Le devoir de santé

Le nouveau discours de la santé aura réussi à instituer le corps sain comme un idéal universellement valable et une exigence lourdement normative, imposant ses prescriptions idéologiques autant a l’individu qu’aux sociétés modernes. L’obtention de la santé et son maintien ne sont plus seulement un état possible ou envisageable des virtualités corporelles, au contraire, nous sommes nés à présent avec le devoir de nous garder en santé et de tenir en échec toutes les menaces de précarité dont notre corps et notre esprit pourraient devenir le malheureux objet. Ce devoir de santé se traduit chez le malade par une culpabilité intime et accusatrice de l’intérieur qui ne cessera de troubler sa conscience quant à la nature et à l’étendue de la faute qu’il aura eu commise et dans la négligence de laquelle le mal, la maladie, a pu s’immiscer en sa personne. La fascination moderne des corps harmonieux, beaux, bref, en santé, nous aura conduit à ce moment décisif de l’histoire universelle ou tout dérèglement du vivant, tout écart aux standards des dispositifs médicaux prend aussitôt la forme d’un aveu de faute, d’égarement ou d’inconduite dans le gouvernement privé des pratiques corporelles.

La santé distribue alors, par le biais de son système,  ses permis d’excellence aux bons consommateurs et ses lettres de blâme aux mauvais. Les fumeurs, les alcooliques, les motocyclistes sans casque, les amoureux non protégés, les obèses de naissance, ceux qui le sont devenus, les habitués des comptoirs de la malbouffe,  ceux qui boudent les centres de conditionnellement …le catalogue des présumés  coupables   de lèse-santé est à la fois varié et nombreux. Ils sont tous coupables, par avance,   d’atteinte au souci de soi, de déficit d’égo sain. Si la nouvelle catéchèse sanitaire est d’une telle efficace c’est qu’elle nourrit un corollaire qui la sous-tend essentiellement, à savoir la croyance implicite ou explicite suivante : nous avons aujourd’hui ,grâce aux connaissances nutritionnelles ou en éducation physique couplées à l’état du savoir en matières d’assuétudes, nous avons, donc, toujours le choix, présume-t-elle, de pouvoir mener une vie considérée saine selon les paramètres de la nouvelle éthique de la santé. C’est dans  ce prométhéisme des moyens que le nouveau discours des coprs va puiser l’audace de s’autoriser toutes les exclusions et de décréter toutes les condamnations . Car la nouvelle catéchèse croit que, contrairement à nos grands-parents pour lesquels, par exemple, une bonne santé avait toujours été le fruit de la bonne fortune, de la providence, bref, du hasard, nous savons, nous aujourd’hui, ou encore nous devrions  savoir,  que celle-ci ne saurait être une grâce, qu’une éthique du corps sain est disponible à tous, et qu’il suffit de l’appliquer pour garder le médecin à distance.

Entre l’avoir et l’être

 les plastifications de Gunther von hagensLa santé est saisie par la langue grâce à un dispositif relevant à la fois d’une logique de l’avoir (avoir la santé) et d’une logistique profondément ontologique (être en santé) . On dit être en santé ou être en bonne santé, référant par là à un état, une manière d’être, impliquant un positionnement intime du corps, une orientation touchant presqu’à son essence; mais on dit aussi avoir la santé ou avoir une bonne santé, rappelant ainsi que la santé est toujours quelque chose d’extérieur au corps en tant que tel, que ce dernier, autrement dit, ne saurait prendre pour acquis, on a la santé ou on a une bonne santé, de la même manière qu’on a une maison ou un jardin, c’est-à-dire dans un rapport de possession avec une entité décrétée extérieure à nous, laquelle obéit à ses propres règles de fonctionnement et se soumettant à ses impératifs spécifiques. Donc déjà dans la langue, la santé obéit à deux logiques qui ne sont pas toujours convergentes dans la vie : Elle est un état, une humeur, un tempérament relevant ainsi d’une psychologie de la vie intérieure la plus riche; mais elle constitue aussi un avoir, un acte, une conduite au travers de laquelle elle se montre comme une conquête, une sortie de soi, une extériorisation, une poussée vers autre que soi. Mais l’on voit les tensions qui peuvent survenir selon que l’on fait référence au premier ou au second. Il est évident par exemple, que quelque soit l’excellence d’une expertise qui a  pu juger d’un individu qu’il est en bonne santé, la bonne santé de ce dernier ne puisse jamais jouir de ce caractère irrévocable au point de lui appartenir sans conditions de sa part. Si, selon la la logique de l’être, la santé est un effet clos, acquis et dernier, et dont il n’y a rien d’autre à dire sinon que cet homme ou cette femme est en santé, dans les dispositifs de l’avoir, la santé n’est qu’un bien et en tant que tel, s’ouvre à la fragilité de la sphère économique. Avoir la santé ouvre alors à des questionnements du genre d’ou nous vient notre santé, comment nous maintenons-nous en santé,que pouvons-nous faire pour assurer cet avoir. Ce n’est pas le moindre paradoxe tragique des corps que la chose qui devrait constituer la substance même de leur être le plus intime, son but essentiel, se trouve en même temps appartenir à une sphère qui leur est totalement extérieure, et sur laquelle ils n’ont somme toute aucune influence. Jouir de l’état d’un vivant sain renvoie ipso facto à l’inscription de ce dernier dans une logique presqu’économique ou le corps sain qu’il est se transforme aussitôt en l’avoir d’un corps cristallisé par des conduites relevant d’un schéma marchand à travers lequel il est déjà annoncé que les comportements et la culture de ce corps emprunteront leurs déterminations ultimes aux nécessités de l’offre et de la demande, par une allocation des ressources jugées nécessaires et suffisantes pour leur état, même si il formule en tant que corps des besoins de plus en plus illimités. Avoir la santé pose inexorablement la question de la rareté des  dispositifs et ressources capables de produire un corps sain. C’est pleinement posé, le difficile problème qui résume l’essence même de l’économie, soit quand, à qui allouer des ressources, par définition rares, vu le caractère illimité des besoins. En matières de santé, la question n’aura jamais autant fait problème. Il aura fallu l’avènement de la santé publique, et dans le sillage de ce dernier, la démocratisation de l’accès aux systèmes de santé modernes pour que ce problème apparaisse dans toute l’étendue de ses apories. En effet, dans une société inégalitaire-(princes-vasseaux; nobles-bourgeois) la santé reste le privilège et le souci des plus nantis. Les autres classes sont trop affairées aux labeurs pour se soucier d’eux-mêmes. Leurs moindres signes de maladie sont condamnés par le système comme un outrage de fainéantise fait aux valeurs cardinales du travail. Les productions étant restreintes, les échanges plutôt limités, les sociétés précapitalistes ignorent totalement le dogme de la santé universelle. Pas forcément par méchanceté ou sadisme; bien plutôt par la nécessaire tyrannie du travail résultant des possibilités limités du commerce, du caractère artisanal de la production, et donc de leur faible taux de productivité si on les compare aux nôtres . Mais avec, la Révolution industrielle, reprenant les acquis de la Révolution française, tous sont décrétés égaux, y compris devant la santé. Le dogme de la santé universelle est né. Seulement, si dans les consciences, le passage est fait quant à la nécessité idéale de traiter tous les citoyens sous un pied égalitaire quant à leur santé, l’application de cette nécessité va se heurter comme un roc à la question épineuse de la rareté des ressources, laquelle rareté prendra de plus en plus un virage hautement alarmant face à la montée des courbes de vieillissement démographique mondial. Par une leçon d’humilité des plus magistrales, les apôtres de l’être en santé allaient découvrir qu’ici comme ailleurs, l’être est souvent la signature prestigieuse de l’avoir. On ne peut être en santé si l’état dont nous sommes les citoyens nous prive des moyens d’avoir la santé.

charcotL’hôpital, son personnel médical, paramédical ainsi que les autres membres du système de santé qui y sont attachés, jouera un rôle de plus en plus prépondérant dans cette affaire. On peut dire que l’hôpital est devenu le temple depuis l’autel duquel la santé dit sa parole et ce n’est guère un détail illustratif que ce soit précisément dans ses enceintes que naissent et meurent presque tous les humains  . Loin de se suffire de ce privilège de premier berceau et de premier tombeau, il est ce passage obligé dans la fréquentation de laquelle nos vies seront pleinement  ponctuées de ses tristes références et de ses lugubres décrets. Il est toujours là pour nous rappeler que ce corps, que nous présumons si souverainement  nôtre, viendra,  un jour ou l’autre, à tomber sous le couperet de sa confiscation décisive ou partielle, que dans l’ombre de ses remparts gris de mille deuils, sommeillent, pour notre intention, des bataillons de sorciers-guérisseurs qui n’attendent que la bonne occasion    pour    venir s’adonner sans scrupule aucune, à leur joie de pornographes du vivant. Ils  déchireront notre corps, le raccommoderont, l’amputeront d’entités qui nous étaient familières, y grefferont des entités mystérieuses, ils y fouilleront comme dans une vilaine grotte, y désaccorderont des gémellités originelles, ils y travailleront avec tant d’acharnement qu’ils nous donnent déjà leur garantie que lorsqu’ils auront fini la seule conviction qu’Il nous restera sera celle que ce corps que nous croyions nôtre ne nous avait appatenu que très relativement et que nous étions dans l’ignorance totale des lois et des causes de cet évènement si proche,   et pourtant si totalement lointain.

Le corps est d’abord connu comme précaire. Listériose, grippe A (h1n1) ,Influenza, allergies au pollène, cancer du sein, autant de pièges qui le guettent et exposent sa vulnérabilité essentielle.(article encore en rédaction)…

Loi canadienne sur la santé

Dépenses de santé au Canada

Sécurité des patients et erreurs liées aux soins

Leçons tirées de l’arrêt de Chalk River

Pharmacovigilance après commercialisation

Rapport final du conseiller sur le temps d’attente

Planification concertée des ressources humaines en santé

Besoins d’information des aidants naturels

Le travail et la santé du personel infirmier

Les soins palliatifs

Loi sur la régie de l’assurance maladie du Québec

Loi sur l’assurance médicaments

Dons et greffes d’organes et de tissus au Québec

Héma-Québec

Santé de la population

Répartition budgétaire


La glace de toutes les convoitises

 Le brise-glace le st-laurentL’usage démagogique que Stephen Harper a choisi de faire de la question arctique est à la fois déplorable et malheureux.Le Premier ministre souhaite augmenter les effectifs militaires alléguant des menaces ennemies à la souveraineté canadienne dans l’Arctique. Je sais bien que Les politiques circumpolaires rivalisent d’inventivité et de stratégies pour sceller l’inscription de leurs nationaux dans une filiation à l’arctique, ceci    dans le but de prévenir tout équivoque quant à leurs droits aux territoires, et par conséquent, aux ressources qui s’y trouvent.Mais, à la veille du départ de Stephen Harper pour Yellowknive dans deux semaines, il serait bien indiqué de questionner ce sursaut éminemment belliqueux d’Ottawa.  Avisés comme le reste de la planète de la débâcle climatique, et conscients que le pôle Nord sera à l’avant scène de ce réchauffement général, ils ont ,  non sans raison, induit sa prochaine naviguabilité  ainsi que l’amélioration spectaculaire de tous ses accès. Moins il y aura de glace, plus grande sera l’aisance de la pêche, de la chasse et de l’extraction de pétrole ou de gaz.Or l’Arctique abonde en  bois de construction,en matières premières mazoutées et de gaz naturel, en réserves  de charbon , sans oublier que  la US Geological Society a  prédit  que le tiers des réserves non encore découvertes en hydrocarbures de la planète s’y trouvent  . C’est amplement suffisant pour que les gouvernements autorisent toutes les dérives.  Stephen Harper, le premier minstre du Canada, a résumé en un mot la stratégie qui sera celle de celle de son gouvernement :« Quand il s’agit de défendre notre souveraineté dans l’Arctique, le Canada a un choix : soit l’exercer, soit la perdre. Et soyons clairs, notre gouvernement entend l’exercer». La question arctique en  sera donc une de souveraineté pour le Canada. « Pour défendre notre souveraineté nationale, rien n’est plus essentiel que de protéger l’intégrité du territoire : nos frontières, notre espace aérien et nos eaux », a déclaré le Premier ministre. Pour ceux qui ne savent plus ce qu’il faut bien entendre par ce mot, le Premier Ministre en a donné au moins trois illustrations récemment. D’abord en Janvier,quand des CF-18 canadiens ont intercepté un avion russe qui s’apprêtait à survoler le territoire canadien de l’Arctique. Ensuite vint la fameuse   stratégie pour le Nord du gouvernement Harper annonçant la création d’une agence de développement économique , la construction d’un nouveau brise-glace et l’aménagement d’un port en eaux profondes sur la terre de Baffin. Puis, ce fut  l’annonce d’une expédition conjointe avec les USA afin de dresser  un nouveau relevé du plateau continental. Finalement on nous prévient que le Premier ministre fera une tournée dans les trois territoires nordiques entre le 17 et le 21 août prochains. Mais aussitôt ses promesses convenue lancé, le seul instrument qu’Ottawa ne cesse de scander dans les médias reste l’achat de huit navires de guerre à la coque renforcée plutôt que des brise-glace. La souveraineté à laquelle pense le PM sera donc l’oeuvre des 65 soldats basés à Yellowknive et des 1465 rangers inuits , tous volontaires, attelés à la tâche colossale de défendre un territoire sept fois plus grand que la France. Donc quand le premier ministre pense à la souveraineté il ne pense à rien d’autre qu’à doter le bassin arctique  de navires de guerre.! Qu’il soit évident pour tous que le premier ministre canadien crée ici un précédent en  voulant introduire des navires de guerre dans cette arctique universellement convoitée  et unanimément disputée. Car même au pire moment de la guerre froide, aucun des belligérants de l’ époque n’a pensé à franchir le seuil de la militarisation permanente.  Certes il y a toujours eu des patrouilles, des brise-glace, des sous-marins en mission ponctuelle, mais des navires de guerre postés en permanence, jamais. C’est donc  un virage militariste éminemment lourd de conséquences qu’ Ottawa vient de prendre. Aussi nous devons-nous d’interroger les tenants et aboutissants de cette prétendue souveraineté.

chercheurs dans l'arctiqueTout d’abord toute souveraineté véritable dans l’Arctique commence par une souveraineté   du savoir. Or le gouvernement de Harper a fragilisé les acquis des recherches arctiques au Canada en coupant les vivres aux universitaires et chercheurs locaux accentuant du même coup l’exorde vers le voisin du Sud de plusieurs programmes de recherche. Il est pour le moins démagogique de parler de souveraineté arctique alors que le gouvernement conservateur démontre l’indifférence la plus entière envers tout ce qui touche aux études arctiques. Il faut rappeler que le Canada est jusqu’à l’heure actuelle le seul pays nordique à ne pas disposer d’un groupe de recherche permanent dans l’arctique. On ne peut être souverain sur un territoire aussi exceptionnel que l’Arctique sans une logistique de recherche cohérente et pertinente. Au moment même  ou le premier ministre affirme haut et fort dans les médisas son attachement à l’arctique, il n’est pas inutile que le public sache que la  Fédération canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère, l’un des deux seuls organismes canadiens de recherche admissibles à des subventions fédérales, un organisme qui chapeaute plus de deux cents scientifiques ,a les coffres complètement dégarnies et Ottawa leur prévient qu’ils ne doivent rien attendre de sa part. Si la présence de    navires de guerre  n’est pas forcément incompatible avec l’effort de  souveraineté, je vois mal comment Ottawa puisse imaginer cette souveraineté en faisant l’économie de la recherche et le développement. Est-ce en plaçant la connaissance de l’arctique canadien sous la tutelle des scientifiques étrangers que le Premier ministre assurera la souveraineté dans l’Arctique. Il devrait être clair qu’il n’y a pas de souveraineté réelle sans une souveraineté hautement scientifique.

Ensuite,   la souveraineté du Canada est-elle à ce point menacée  que la seule issue soit de prendre le raccourci des dissuasions militaires? La promptitude du PM à l’impatience dans ce dossier ne trahit-elle pas quelque propension belliqueuse  dont le Canada , bon élève de l’OTAN, pourrait bien se passer . Le péril est-il si entier qu’il n’est d’autre issue que l’envoi de navires de guerre dans l’arctique. La Convention des Nations Unies sur le  droit de la mer, que le Canada a ratifiée, et qui jusqu’ici a toujours protégé ses droits et garantit ses libertés, est-elle devenue tout à coup  un texte obsolète et incompatible avec la vision arctique d’Ottawa? Somme toute, Ottawa n’aura pas expliqué encore ce qui autoriserait de faire l’économie des mécanismes juridiques usuels de règlement des conflits territoriaux qu’il a toujours utilisés auparavant et dont  des  déficits ou  vices  justifieraient une précipitation dans  la  surenchère militariste. Car ce qui est sûr dores et déjà, c’est que toute présence de navires de guerre dans le bassin arctique amènera tôt ou tard les autres pays riverains à en suivre l’exemple. Et Moscou en gagnerait à coup sûr l’avantage du nombre. Car s’il est vrai que l »Arctique  russe a toujours été un défi pour Moscou, il ne faut pas perdre de mémoire que c’est elle  qui possède en termes de longueurs de côtes, plus de la moitié: 10520 kilomètres entre Mourmansk et Providentia, dernier port sur l’Arctique avant d’arriv carte de l'arctiqueer au Pacifique,envirion 6200 kilomètres. Au Groenland, le Danemark, dont La colonisation dano-norvégienne avait commencé sur ce territoire en 1721, avec l’ oeuvre missionnaire de Hans Egede et l’installation de postes de mission et de commerce, n’est pas sans ressources militaires non plus : En 1776, création d’un monopole commercial Danemark-Norvège au Groenland qui allait durer jusqu’au milieu du XXe siècle. Devenu département danois en 1953, puis territoire autonome en 1979, le Groenland, dont les revendications d’indépendance sont récurrentes, n’a jamais abdiqué ses velléités arctiques. Puis Les   États-Unis  possessionnés en Arctique grâce à l’acquisition de l’Alaska. C’est 1777000 km carrés pour 700000 habitants, dont une infime partie sur les côtes nord de cet État, celles qui sont baignées par l’océan Arctique. L’Alaska a eu ses jours de gloire: la ruée vers l’or de Fairbanks en 1900, puis le boom pétrolier à partir de 1968. Les États-Unis qui sont peut être le seul allié naturel dont le  Canada  peut être sûr. Les États -Unis, sans lesquels, Le Canada n’a jamais su faire avancer d’un pion la géopolitique de l’Arctique. Enfin, la Norvège. Par son contrôle sur l’archipel du Spitzberg (Svalbard), la Norvège surveille le canal de Barrents, le corridor maritime qui relie la mer de Barrents à la mer de Norvège, partie intégrante de la zone d’influence russe qui s’étend de l’océan Arctique à l’atlantique Nord. Surveillance aeroterrestre, mais aussi sous-marine et d’écoute, avec les perfectionnements du réseau Sosus, mis en place pendant la guerre froide. Par ailleurs depuis la fermeture  de la base américaine, c’est la Norvège qui assure la défense de l’Island. Sans oublier la Chine et le Japon. Affamés de pétrole et de gaz, en raison de leurs activités industrielles et , pour la Chine, en raison de sa croissance démographique qui  a triplé en un siècle. Ce n’est rien de moins la configuration de la géopolitique actuelle de l’arctique. Avancer les termes d’une souveraineté qui contournerait les acquis juridiques solides et sûrs pourraient inaugurer fatalement un basculement dans une dérive à la fois catastrophique et hautement destructrice.

peuples de l'arctiqueFinalement toute souveraineté dans l’Arctique passe par l’implication des peuples de l’Arctique à cet effort de souveraineté . Car la souveraineté ce n’est pas seulement un droit.C’est aussi un privilège. lorsque la dernière pelle sera jetée aux mines de cuivre, d’or ou de zinc; lorsque le dernier baril de pétrole ou de gaz naturel aura été extrait des entrailles de cette terre, il faudra faire le bilan de  ce que nous aurons fait à l’habitat naturel de ces hommes et ces femmes qui avaient élu domicile depuis la nuit des temps dans cet enfer de glace et cette blancheur éternelle.Or  les ressources de l’arctique sont innombrables, mais non renouvelables. Alors ces hommes et ces femmes auxquels la société occidentale a déjà ravi la langue ancestrale, le patrimoine rituel et religieux,  ceux-là même dont on a transformé , au nom du progrès et de la technique, le nomadisme mythique en un sédentarisme planifié et assisté par les bureaucrates d’Ottawa, ces  damnés de la terre qu’on a déjà dépossédés d’eux mêmes , il faudra prendre garde de ne pas achever leur aliénation par notre souveraine nécessité de pêcher des crevettes et de trouver du pétrole. Ce sont eux les vrais rois de Thulé ,ce sont eux,ces musiciens du vent, ces  sculpeurs de glace, ce sont eux cette civilisation du phoque , que nous avons presque achevé d’anéantir.  Ce sont eux   Ces Inuit (anciennement Esquimaux), ils sont  150000 répartis entre le Groenland danois (50000), le Canada (45000), l’Alaska américain (500000) et la Russie (1800), ce sont eux  ces Aléoutes , ils sont 12000 se répartissant entre la Sibérie et l’Alaska, ceux du groupe d’Athapascan, Amérindiens d’Alaska et du Nord canadien(25000), ce sont eux ces Sâmes (anciennement Lapons) de Norvège (45000), de Suède (17000), de Finlande (7000), de Russie (1800).En leur nom et au nom de toute cette civilisation réelle mais fragile qu’ils soutiennent, nous ne pourrons guère permettre à une   administration, quelle qu’elle soit, d’hypothéquer leur environnement et de compromettre leur avenir, sous couvert d’une prétendue souveraineté, aveugle aux dogmes des intérêts militaro-industriels.

La seule souveraineté que veulent les Canadiens dans l’Arctique est une souveraineté  riche de sa confiance dans la science arctique, respectueuse de la loi et de la norme , et par-dessus tout,  une souveraineté, qui met au premier plan  de ses priorités, le destin présent et futur des peuples fondateurs.

Chronologie  des interventions canadiennes dans l’arctique

  • 1992: Accord Canada-Russie sur la  coopération dans l’Arctique et le Nord
  • 1994: Mary Simon est nommée première ambassadrice du Canada aux affaires circumpolaires
  • 19 septembre 1996: la Déclaration d’ Ottawa crée le Conseil de l’Arctique dotant les pays du Nord d’un forum de discussions des problématiques et des enjeux communs
  • 1997: Production par le Comité Permanent des Affaires Étrangères du rapport_ Le Canada et l’ Univers Circumpolaire
  • 1998-1999: Tenue à travers le Canada de discussions et de conférences orientées par le rapport d’études Vers une politique étrangère canadienne visant le Nord
  • 1998: dépôt par le gouvernement canadien de sa réponse au document Le Canada et l’univers circumpolaire. Réunion ministérielle du Conseil à Iqaluit. Déclaration d’Iqaluit.
  • Ier avril 1999: création du Nunavut. 12 Octobre: le gouvernement s’engage dans le discours du Trône à confirmer l’hégémonie du Canada dans l’Arctique. 16 décembre , déclaration conjointe par le Canada et l’Union Européenne d’ une coopération nordique
  • 8 juin 2000: publication par le gouvernement canadien du document Le volet nordique de la politique étrangère du Canada. Du 10 au 13 Octobre: deuxième réunion ministérielle  du  Conseil   tenue cette fois à Barow, en Alaska. Adolption de La Déclaration de Barow. Adoption par l’Union Européenne d’un plan d’action sur la dimension nordique (PADN).
  • 2002: Adoption par le Conseil de La Déclaration d’Inari
  • 2003: Loi c-42 sur la protection de l’environnement de l’Antarctique. Voyage en quête du Nord moderne dirigé par la gouverneure générale.
  • 2004: Adoption par le Conseil de la Déclaration de Reykjavik.
  • 2005: Remise sur pied du groupe de travail de l’Arctique et du Nord de la Commission économique intergouvernementale Canada-Russie.
  • 2006: Adoption par le Conseil de La Déclaration de Salekhard. Le Canada consacre 150 milllions pour la participation à L’Année polaire internationale.
  • Août 2007: annonce par le premier ministre d’ Une stratégie intégrée pour le Nord. Le discours du Trône d’Octobre 2007 consacre la stratégie pour le Nord à titre de priorité fondamentale du gouvernement.
  • 2008: Déclaration d’Ilulissat.
  • 11 mars 2009: Discours par le ministre des Affaires Étrangères d’une Politique étrangère du Canada pour l’ Arctique
  • Juillet 2009: l’armée russe annonce son intention de procéder à des vols de parachutistes dans l’Arctique en mai prochain dans le but de commémorer le 60e anniversaire de l’ atterrissage en parachute de deux scientifiques soviétiques.

De l’honneur des moutons

On tue au Canada.  Pas par légitime défense. Pas, non plus, par contrainte. Encore moins, par obligation civique ou militaire . Surtout pas, par impossibilité de maintenir la vie . Non, rien de tout cela.  On tue, semble t-il,  au nom de l’honneur.

L’honneur, dites-vous. Voyons un peu. Rona Amir Mohammed, la première épouse , les soeurs Geeti, Sahar et Zainab Shafi sont retrouvées mortes  dans un écluse du Canal Rideau à Kingston, en Ontario, le 30 juin dernier. Trois suspects ont été arrêtés. Mohammed Shafi, le père, Touba Yahya, la mère et Mohammed Hamed Shafi, le frère.   Tous des Canadiens qui rencontraient chaque jour des Canadiens . Fréquentaient des banques , des restaurants, des écoles canadiennes. On imagine le père  embauchant pour la construction de ses  maisons des ouvriers canadiens, leur parlant de mille et une choses sur son chantier, leur donnant un coup de main  par moment, les entretenant à d’autres moments   de son Afghanistan natal qu’il a quitté depuis plus d’une vingtaine d’années, s’évertuant ici à  tromper leur fatigue, là  à tenir en échec  ce qu’il croit être le signe d’une nonchalance qui monte;  souriant, affable , débonnaire comme seuls les Afghans savent l’être ; respirant  avec ses voisins canadiens le même air canadien ;  transpirant  avec eux de la même sueur qui vient de cette nordicité mal aimée;  Envoyant  ses enfants dans des écoles canadiennes afin qu’ils deviennent des citoyens canadiens prospères et respectés par des Canadiens; par-dessus tout, ayant choisi un jour de s’installer en terre canadienne.  Et pourtant il faudrait les imaginer aussi nourrissant, dans le secret, le venin d’une hostilité systématique à tout ce qui était canadien: les jeans canadiens, les cigarettes canadiennes, les discothèques canadiennes, les vêtements canadiens, les plages canadiennes, les cinémas canadiens, les manières canadiennes de dire l’amour, leurs manières de le faire, leurs droits, leur justice, leurs professeurs, leur mémoire, leurs rêves…  Il seraient donc des canadiens paradoxaux qui ne souffriraient  guère que rien de ce qui  soit trop canadien vienne à  s’approcher de leurs personnes ou de celles de leur famille, canadienne elle aussi.

Par honneur, nous dit-on, Mohammed Shafi, le père, Touba Yahya, la mère et Mohammed Hamed Shafi, le frère  auraient  pris la vie de Rona Amir Mohammed, la première épouse , les soeurs Geeti, Sahar et Zainab Shafi.

Crime, certainement. Crime dégoûtant, crime barbare, crime sordide, crime crapuleux, certes.  Mais certainement pas crime d’honneur. Je ne me battrai pas tant sur l’appellation en tant que telle. Je peux facilement admettre en théorie la compatibilité de l’honneur avec le crime. L’ occident a eu ses crimes passionnels, ses ordalies, ses duels d’honneur. Bel-Ami, le Capitaine Fracasse, Joseph Comrad, les possédés de Fedor Dostoïevski, nous sommes encore porteurs de  tout cet imaginaire honorable. Je ne suis pas,  à priori,  contre  la réhabilitation de l’honneur dans l’espace public.

Mais quel est cet honneur qui ne recule devant rien, même pas  devant le sang d’autrui? L’honneur ne serait-il pas  seulement un masque derrière lequel on s’assure de contrôler la sexualité de la femme et de perpépétuer  la ségrégation des genres? Y a-il  tant  d’honneur à barrer aux femmes la route de l’éducation et du marché du travail?

Tout se passe comme si le corps de la femme lui échappait tout simplement . Il distillerait, à son insu, des enjeux dont la clé est détenue par tout autre qu’elle;  il serait le résultat historique et social de conduites qui s’inscrivent dans les profondeurs oubliées de l’inconscient collectif, lesquelles se moquent tout à fait des volontés individuelles;  il décrèterait, malgré lui, des normativités si puissantes qu’elles pourraient à elles seules faire tomber les royaumes et décapiter les Princes.  En fait, on dit le corps de la femme , mais il serait plus juste de dire le corps de la tribu, du village, du clan. Par un truchement de raisons ou d’absences de raison fort nébuleux , c’est quand elle nourrit sa chasteté sexuelle qu’elle accomplit la plus grande vertu civique. Aucune de ses conduite n’est exclusif à la femme, alors que tout ce qu’il émane intéresse les hommes : leur honneur, leurs avoirs, leur masculinité, leur vie même. Le paradoxe de cette bêtise c’est à quel point ces hommes et ces sociétés investissent symboliquement quelque chose (le corps de la femme est toujours un pointeur de la vie et de la mort)   à laquelle,  justement, ils s’acharnent à refuser toute existence publique autonome. Car, c’est la même logique qui veut que la femme s’efface et soit frappée du plus grand silence dans la sphère publique et  qui autorise  en même temps la légitimité de sa mise à mort lorsque cette ombre, cette mort vivante, ce zombie nécessaire décide d’exister enfin. C’est la même  femme qui  n’est pas assez honorable pour jouir d’une existence pleine et entière mais dont seuls  les égarements à son code de conduite rendent légitime, le transfert , par le Prince , de sa prérogative suprême: le droit de vie et de mort.

Ce n’est pas faire honneur à l’honneur que de prêter ce nom à des actes  aussi dégueulasses que  ceux qui ont eu lieu cette semaine à Kingston.

C’est plutôt à la lâcheté que j’avais pensée aux premières allusions à cette sordide et sanglante affaire.

Lâcheté parce qu’elle cristallise le triomphe de la morale du troupeau.  Car ‘il faut être un mouton de la pire espèce pour ne rien trouver d’autre pour apaiser l’appel de sa tribu, de son clan, de son pays, que la mise à mort de ses propres enfants.

Lâcheté aussi parce qu’il ne suffit pas d’opposer la morale d’un troupeau à celle d’un autre troupeau pour mériter ipso facto le mérite de l’honneur. L’honneur est quelque chose de trop complexe pour se satisfaire du simple refus. Il faut dire et ne pas cesser de dire à tous ces endoctrinés de l’honneur que l’honneur commence toujours chez soi, dans ses plate-bandes, dans sa cour arrière, dans son intimité et pas dans la cour d’autrui. Il faut leur crier aujourd’hui, avec toute les lettres de l’urgence, que s’il peut  y avoir  de l’honneur dans le refus de l’autre, il est encore plus honorable et surtout plus courageux, de pouvoir dire non à soi, à son clan, à sa tribu, à son oikos.

Lâcheté surtout, parce que notre devoir ne peut obliger autrui. Quand on ne peut plus rester honorable rien que pour soi,  sans vouloir y contraindre les autres, alors  on n’est plus dans la logique royale de l’honneur , on a basculé dans le suivisme et le conformisme, malgré tous les masques de l’honneur dont on peut s’affubler.

Lâcheté finalement, puisque,  quand le monde oppose une résistance opaque à nos valeurs cardinales, on a toujours le choix, peut être inutile, peut être  malheureux , peut être même idiot,  mais tout aussi honorable,  du suicide. 

La querelle des retraités

 

 On est habitués au mécontentement des travailleurs face aux programmes sociaux dont bénéficient les chômeurs. Il ya ,nous dit-on, apparence d’inéquité et  soupçon d’assymétrie dans l’idée de faire payer à une classe de citoyens l’oisiveté entretenue des autres. Pas un seul débat , pas une seule tribune libre où les bons travailleurs ne viennent scander l’offense faite au salariat  par le lobbying   des protectionnistes sociaux. Une autre ligne de mécontentement se dessine pourtant  à l’horizon de la croissance du vieillissement des populations: Après la grogne anti-chômeurs, la querelle  des retraités.

 On sait que  le passage à l’âge d’or  s’accompagne déjà de son lot de tracasseries naturelles (fragilisation de l’individu,santé précaire, solitudes, insécurités multiples,perte de réseaux sociaux). S’il fallait,de plus, qu’elle devienne le luxe monopolisé par une génération aux dépens des autres qui la financent , il faudra s’attendre à ce qu’elle occasionne l’invention d’un nouveau souci dans l’espace public.

Partout l’alerte est sonnée: un nouveau pacte devient urgent entre les prestataires actuels et les  futurs cotisants au risque de l’effondrement des réserves actuelles.

Au Québec le temps de la retraite s’annonce avec quelque couches de gris sur fond de crise économique et de banqueroute du secteur financier

Le régime des rentes du Quebec (RRQ) a enregistré des pertes de plus de 26% l’année dernière. Le nom des symptômes: Sous-capitalisation du régime; insuffisance des revenus de placement.

 D’abord il ya la  petite fiscalité de la retraite qui ne sait plus à quel saint se vouer pour sauver  les meubles. C’est que laissé à lui seul,le taux de côtisation est une mesure vidée de toute substance. Trop bas, il perd toute la force de ses incidences. Trop haut il devient inuste pour les générations actuelles et consacre l’inéquité entre les travailleurs et les retraités.  Il est actuellement à 6% . Mais même à 9% il serait encore insuffisant dans le contexte actuel.

 Ensuite, le  nombre de retraités accroît plus vite que celui des travailleurs avec le vieillissement croissant de la population. Les choses ne vont guère s’améliorer puisqu’on prévoit d’ici 2050 moins de deux travailleurs pour un retraité .Trop peu de côtisations pour trop de dépenses.

 Puis, i y a les déboires de la Caisse dont la teneur et la portée restent encore peu documentées. Avant la crise de la Caisse l’an dernier, on prévoyait l’effritement du régime commençant vers 2017 et l’épuisement des reserves pour 2049. Maintenant depuis la perte enregistrée de neuf milliards cet épuisement sera là douze ans plustôt , soit vers 2037.

Avec une structure de population de plus en plus vieillisante, se priver des revenus de placement relève d’une logique suicidaire.

 Or un  taux de côtisation plus élevé nuirait à la compétivité du Québec  avec les autres provinces vu la similirarité des prestations  des deux régimes(RRQ et RPC).

 C’est ici que les valeurs collectives risquent une épreuve sans pareil. Sommes-nous prêts à renoncer à nos acquis traditionnels pour reprendre le chemin de l’usine ou du bureau après 60 ans? Sommes-nous prêts à geler l’indexation des rentes le pendant toute la vie salariale? Donnerons-nous aux décideurs publics le mandat de consacrer un minimum(60 au Québec) avant lequel tout départ à la retraite est interdit? La nécessité  d’augmenter le nombre de côtisants par retraité amènera t-elle les masses réfractaires à l’immigration à une meilleure disposition à ouvrir les frontières nationales aux étrangers? A moins que le Québec, qui compte déjà l’un des taux les plus bas de natalité, s’embrase soudainement d’un désir collectif d’enfants pour pallier à son déficit démographique majeur.

Masque octogonal pour maîtres d’illusion

Si le politique est le masque de l’économie triomphaliste alors le G8 en est le bal masqué annuel. Tout le malaise grandissant quant à la pertinence et la cohérence de cette institution, vieille maintenant de trente cinq ans, tend à exprimer un triple échec. Trois fois plutôt qu’une, le G8,   a fait mentir ses promesses, trois fois plutôt qu’une, le pouvoir des plus nantis a manqué à ses rendez-vous.A les voir aller, devant les encouragements des photographes et paparazzis qui les accompagnent ,ils inspirent peut être plus de pitié que de mépris. Pas,comme le veulent les mauvaises langues, parce que c’est  la confrérie des superpollueurs. Pas non plus parce que c’est une assemblée de brigands qui retiennent l’Afrique sous le joug du Sida car déterminés à ne pas commercialiser les brevets pour faire avancer la recherche. Je ne dirai pas non plus que sa carte la plus visible est devenue la répression massive  des manifestants qui assiègent les villes hotesses pour faire entendre leurs voix.Non, pas parce que son activité la plus connue du   est devenue la gestion des émeutes.  Je ne dirai pas non plus qu’elle tend à sacraliser l’omniprésence de la police,alors qu’ elle muselle la liberté de presse et d’expression . Non aucune de ces raisons.Mais surtout parce que le G8  c’est la conjonction de  trois illusions répétées et martelées le temps d’une fin de semaine ou parfois de quelques heures seulement.

C’est d’abord l’illusion quand aux idées. Elle est très vieille la croyance que ce sont les idées qui mènent   le monde. La barque de ce monde chaotique et houleux ne  tiendrait pas sans le  secours des idées. Combien de fois ne nous a-t-on pas rappelé que seules les idées ont du poids. Alors  rien de surprenant à ce  que les grands de ce monde se réunissent de temps en temps pour donner un  bon coup de balai  aux idées qui ne marchent pas trop bien(le crédit immobilier,les hedge fund,les programmes de retraite,les GES, la reconstruction de l’Irak, la relocalisation des détenus de Guantanamo, la couche d’ozone, les prix du pétrole…) et y aller de leurs propositions savantes quant à de nouvelles idées.C’est un dogme profondément enfoui dans les gênes de l’ homo sapiens, que cette totale soumission aux idées. Il y va du nécessaire primat de l’esprit sur la matière que les choses soient ainsi: si ça ne va pas, c’est que les idées n’étaient pas à la hauteur, alors rebrassons-les, échauffons ou réchauffons-les, agitons-les, en tout cas, jusqu’à ce que, comme disait l’autre, du choc des idées puisse jaillir la lumière. Le G8 est devenu le haut lieu par excellence de ce militantisme des idées.  C ‘ est l’illusion tenace et implacable  qu’il est encore possible de choisir, parmi les multitudes innombrables de peuplades et de civilisations de ces six milliards de têtes,  celles dont les idées sont si excellenes, si justes, si admirables, qu’elles devraient gagner d’office le  droit de les exporter et parfois même de les imposer au reste des habitants de la planète. Le G8 est fils de cette illusion double que non seulement il y a des idées qui devraient gouverner mais qu’ on peut les connaître, ces idées. Ils ne sont que huit mais ils ont la foi que les idées qui les habitent trouveront asile ou devraient le trouver sur toute la surface de ce sacré globe. Douce et irresistible illusion car il y a longtemps depuis que les idées qui dirigent ce monde ne viennent plus de l’occident.Longtemps depuis que le règne des idées (si jamais une telle chose a jamais été) est pour ainsi dire, morcelé, diffus, fragmentaire. Mais  n’allez pas croire que c’est là une illusion gratuite et nulle. Au contraire, Elle participe de la nostalgie générale   d’un temps ou les anciens capitaines des grandes puissances – les Ferdinand,les Henry,les Colbert, les Richelieu, les Machiavel,les Léopold…mandataient des missionaires dans le but d’exporter au reste du monde, connu ou inconnu, l’excellence des lumières occidentales. Le reste de cette foi aveugle dans les idées, on en connait la suite. Depuis que le politique est devenu , dans la foulée des désenchantements modernes, le serviteur de l’économique, depuis que l’état est devenu l’otage des diktats économiques et des volontés des multinationales, bref depuis que  les parlements sont devenus le prolongement politique du marchandage de la loi de l’offre et de la demande, le G-8 n’a  plus su comment ébaucher les lois de sa nécessité, il n’a pas pu inscrire dans l’outillage mental des citoyens du monde la raison d’être de son mandat. Puisque de toute façon les aléas du pouvoir échappent aux politique, puisque de toute façon, bon gré, mal gré, ce que Microsoft, Rio Tinto, Adidas, et Co veulent, Dieu le veut, alors on ne comprend pas tout à fait pourquoi il était encore nécessaire de tromper l’électorat mondial par une démagogie supplémentaire de la bonne intention, par un nouveau protocole de légitimation condamné d’avance à jouer l’illusion.

Deuxièment, l’illusion  quant au monde. L’anachronisme du G8 c’est qu’il repose sur la perpception aujourd’hui révolue d’un monde plein et entier,précis identifiable et homogène.Tout ce protocole de la photo de famille, toute ce rituel des amitiés n’est là que pour rappeler que le monde n’a rien perdu de son ancienne épaisseur, de ses contours rassurants de jadis. A l’heure ou les dieux ont fui le camp, le G8 se voudrait de jouer le nouvel Atlas portant le poids du monde sur son dos, défiant les terrorismes, confondant les messianismes. La petite photo de famille est là pour dire: regardez, rien n’a changé, les dieux ne sont peut être plus là, mais regardez, celui-là c’est toute la douceur millénaire de la France malgré la nervosité de sa constitution,celui-ci l’esprit même du   faste italien,même au coeur de la mêlée générale, celui-là encore,reconnaissez-le, vous le savez, c’est la face amoureuse de cette Amérique si longtemps attendue,la faconde toujours ensoleillée par son optimisme contagieux… voyez le monde devant vous, le monde tel que vous l’avez toujours connu. Le G8 est donc devenu,de même que plusieurs institutions semblables, des tentatives illusoires de refonder le monde, de suspendre sa divisibilité, d’arrêter son effritement permanent, bref, de rendre à ce cher monde toute l’épaisseur qui faisait qu’hier encore il tenait malgré tout.Car il y a longtemps, que le monde dans lequel nous vivons ne passe plus ni par l’Élysée ni par Washington, encore moins par Rome ou Ottawa, pour investir ses nouveaux héros. C’était là tout le tragique sanglant du geste d’al-Quaida. C’est encore le sens d’une multitude de groupes, de mouvements, de coalitions et d’alliances de toutes sortes, parfois explicites, mais souvent très diffuses et souterraines, dont la clé de fonctionnement réside dans une algèbre hermétique aux valeurs déclarées des majorités électorales, à mille lieues des sommets internationaux de l’octocratique confrérie. Foucault en inaugurant le concept de micropouvoir n’aurait pas pu mieux cristalliser l’essence des nouveaux rapports au pouvoir. Le G8 est l’héritier d’une conception  obsolète du pouvoir. Ou celui-ci émanait toujours d’un centre à partir duquel il se relayait ensuite dans la périphérie par des courroies bien identifiées et fortement investies. Ce monde là a disparu dans les cendres  des tours jumelles. Aujourd’hui le pouvoir n’est plus concentré dans une instance privilégiée et précise. Il obéit à un mouvement irrégulier, difficile à circonscrire,  loin des linéarités rassurantes, il épouse le contour abrut des migrations mondiales, il s’aventure sur l’abîme des langues oubliées, il côtoie les profondeurs meurtries des vaincus, il respire dans les antichambres chaotiques des associations d’étudiants, il court dans l’ombre discrète des réchappés des génocides, il s’appelle le mouvement altermondialiste, les associations de citoyens, les alliances écologiques, c’est l’initiative d’une célébrité qui ici défend une pétition ,c’est là la voix d’un activiste de la malbouffe qui vient de sortir un documentaire sur les aléas de l’industrie alimentaire, c’est là-bas le cri d’indignation d’une femme encore inconnue sur l’exploitation massive de la forêt amazonienne. Voilà les mutations dernières du pouvoir contre lesquelles la cravate impeccablement nouée d’un Berlusconi , la silhouette tirée à quatre épingles d’un Sarkozy ou le sourire optimiste d’Obama risque de basculer, sinon dans l’insignifiance, du moins,dans l’anachronisme.

Troisièmement, illusion quant aux hommes. Le G8 abuse de notre crédulité  en nous demandant de croire que ces huit hommes (ou quelque soit leur nombre,) puissent véritablement faire une différence significative à l’échelle mondiale. Il est là pour nous dire: Voici ceux d’entre les mains desquelles les destinées de la planète demeurent, ce sont eux les heureux dépositaires de l’histoire, regardez-les bien. Et ils y vont de leur petit opéra tragi-comique,se serrant les mains, glissant par ici un mot à un diplomate, par là un sourire pour la postérité. Mais là aussi il y a longtemps que les hommes individuels n’ont plus aucun poids dans le cours de l’histoire.Les grandes entreprises historiques sont perdues pour l’individu et même quand ce dernier croit avoir joué une part significatrice dans un tel dessein il peut être assuré qu’il a été le jouet de puissantes forces obscures qui, pour des raisons connues d’elles seules, ont préféré se terrer dans l’invisibilité.C’est pour cela que l’image la plus juste du G-8 est celle d’un danse qui avance  un temps  d’un pas pour mieux reculer de trois la seconde d’après. Pas une seule de ses décisions, pas une seule de ses résolutions, qu’il n’a aussitôt fait de violer à répétitions, au grand dam des militants altermondialistes  croyant avoir gagné au moins une bataille. Kyoto, Les détenus de Guantanamo, la fièvre du poulet, Gaza, les OGM, les fermiers de l’Europe, Kadhir, tous ses consensus achèvent au néant, tout ce qu’il resoud finit dans l’irrésolu, toutes ses conclusions se veulent par provision. Son échec porte la marque d’une suite répétée d’intentions bonnes qui se volatilisent aussitôt que matérialisées. Son échec est la tragédie des instances internationales ou le conservatisme  d’un éléphant peut à lui seul noyer toutes les intuitions novatrices du reste. Le G8 c’est, repris à l’échelle des hauts lieux de la politique, l’un des paradoxes les plus déroutants de la théorie de la complexité, voulant que le tout n’est  jamais la seule somme des parties. Souvent il se glisse à l’intérieur de ces dernières des asymétries tenaces, des alliances barbares, des dissonances étouffantes, des opacités infranchissables. Déjà les Castro, les Mao,les De Gaulle appartiennent à un monde qui n’a plus grand chose à voir avec le nôtre même si nous continuons encore de les vénérer.

Peut être bien qu’après tout, le monde s’en sort mieux avec le G8, peut être bien que les illusions sont nécessaires.

Michael Jackson : De l’antériorité de la mort

 C’est la permanence de la mort qui frappe dans  la destinée incomparable de cet homme inachevé doublé d’un  génie titanesque.   Depuis le non-lieu de son enfance.Bien avant sa prodigieuse  épiphanie tout aussi fulgurante que tragique. D’un lieu impossible d’être nommé, d’un temps incalculable, Michael Jackson a toujours été mort.

Il est d’abord mort par la tyrannie domestique avec laquelle Papa Jackson a organisé son enrôlement artistique. Ce regard vindicatif du père, se substituant à la loi et l’ordre, bourreau de l’intimité, cette voix de la démesure autoritaire, cette police familiale et familière l’a vidé depuis l’enfance de cette béance que nous appelons la vie. Si Germaine, Janet et les autres ont été plus chanceux quant à leur construction identitaire, c’est peut-être aussi parce qu’ils étaient moins artistes que Michael, immanquablement moins sensibles que lui. Ces répétitions improvisées à toute heure, ces olympiades spartiates qui transformaient la petite enfance en exercices  perpétuels de musiques et de chants, ces vociférations encolérées dans les halls d’église, dans les chambres d’hôtel à l’heure ou les enfants de son âge s’endormaient dans les bras reposant de leur mère, toute l’orchestration douloureuse de cette tyrannie du devoir, voilà la première mort de Michael. Son corps s’est peu à peu effondré sous les décibels cinglants de la voix de ce père,fou de gloire, avide de célébrité. Son corps avait, en quelque sorte, inscrit, dans les profondeurs de sa chair, le venin de cette amputation de lui-même, marqué à vie , castré pour jamais. Cette vorace indiscrétion du paternel dans le choix de son destin est le plus impardonnable des viols puisque c’est sa vie même qui lui a été ravie. Les petites horaires réglées comme une horloge, le rituel cinglant des petites compétions de musique sous le regard tranchant de Papa Jackson, les petites excursions dans le voisinage ou on l’exhibait déjà comme l’enfant prodige de la musique, la suite endiablée des épreuves de répétition domestique,  en un mot, cet efficace programme de dressage artistique qui se déroulait jour et nuit  autour de lui, voilà comment on avait commencé à chasser, sournoisement, la vie, devant les pas de Michael Jackson.

Ensuite il est mort écrasé  sous le poids de la tyrannie du paraître. Il voulait tellement plaire, tellement bien paraître (c’est ainsi que son père l’avait dressé) qu’il choisit de se refugier dans l’artifice, le simulacre, le semblant, refusant aux autres toute possibilité d’accéder à son moi. Il offrit donc universellement un mur infranchissable composé de ses gants énigmatiques, ses vestons aux épaulettes loufoques, ses pantalons de latex éclatants, du cuir, du cuir, beaucoup de cuir. Mais il poussa plus loin encore son mur. Jusqu’à son nez qui avait perdu toute l’épaisseur du réel, ses lèvres   immatérielles et morbides , ses yeux d’oiseau blessé à mort. Quant à sa peau, qu’on voyait si légère qu’on pouvait avec raison se demander si elle n’allait pas léviter de son corps à tout moment, il s’était fixé comme programme principal de la soumettre à  l’éxtrême torture d’un blanchiment momiesque ; tout en lui allait participer dans sa chair même à cette dramatisation de la mort. N’ayant pu supporter l’épreuve, qui est celle de nous tous , de jeter son moi aux autres sans aucune garantie que ce dernier soit reconnu par eux comme un soi authentique et digne de leur humanité  , il  résolut  de leur envoyer un substitut chimérique qu’il avait fait fabriquer sur mesure, tout  rassuré d’être hors d’atteinte,  si jamais la chimère devait décevoir par rapport aux attentes.  L’artiste et son double. Il ne l’avait pas inventé. Sa novation c’en est la  version matérielle. C’est sa deuxième mort dont il est loin d’être impossible qu’elle n’origine de la première. De l’impossibilité de plaire à papa la tentation d’un corps artificiel de séduction , mais   invulnérable à tout jugement.

Finalement il est mort étouffé par les rumeurs de scandale et de démesure personnels. Il ne pouvait vivre , lui l’enfant chéri des anciennes congrégations de Témoins de Jéhovah, il ne pouvait vivre dans cette cohue d’accusations, sous cette pluie battante d’apostasies , dans cette mare boueuse de quolibets et de soupçons qui  empoisonnaient sa vie privée. Il se retira à Dubai.  là encore, Il répéta sa mort. Il entretint ,dans le plus grand secret d’une tour d’ivoire enmurée dans le désert, sa propre néantisation , il mima sa prochaine  disparition,  il mit en scène sa condamnation profonde, il but ses revers à pleines dents, il dramatisa sa mort.   Lui qui n’a jamais été fait pour la compagnie des hommes, voilà que maintenant celle de leurs petits lui était interdite, il mourait Michael, il n’a jamais cessé de mourir. Moonwalk  c’était bien cela finalement une danse funèbre, l a danse du gars qui voulait en finir avec la pesanteur accablante du vivre, la réponse ingénieuse d’un oiseau qui voulait arrêter le temps et défier la loi des corps qui naissent, grandissent et se corrompent. 

Toute cette histoire me fait penser à Blanchot.<<Mort, tu l’es déjà, d’une mort qui ne fut pas tienne, dans un temps immémorial,que tu n’as donc ni connue ni vécue, mais sous la menace de laquelle tu te crois désormais appelé à vivre…>>

Genèse et stucture de la bêtise

La question de savoir si on pourra un jour en  finir avec la bêtise humaine est peut-être elle-même le signe, la marque ,le rappel d’un devoir de raison , profondément inscrit dans la chair de nos nécessités de pensée, elle est donc , cette question, elle-même , rien de moins qu’un pense-bête.  En fait,elle  est longue et tenace la liste des florilèges qui peuplent le grand bêtisier de l’homo sapiens: L’inquisition,l’esclavage,l’holocaute,le patriarcat,la propagande anti-communiste,la propagande anti-capitaliste,la guerre d’irak,le créationnisme,l’eugénisme,l’économisme,le scientisme,les hooligans,les martyrs volontaires,l’homophobie… Comment la philosophie, et à travers elle,toute la pensée en général, a pu gérer ce soupçon face à l’invasion permanente de la bêtise? Illusoires les guerres contre la bêtise. Bien bête  cet État moderne qui  allouerait des fonds  à un Ministère contre la bêtise. Car La bêtise c’est pas Hitler,c’est pas la drogue,c’est pas les pédophiles,c’est pas les Talibans. Elle dépasse toute délimitation matérielle.  S’avançant toujours masquée, elle est insidueuse, fluide, mobile et se nourrit de   dénis. Elle épuise le temps et consume l’histoire.

Disons ce que la bêtise n’est pas, faute de pouvoir la définir avec justesse. Tout d’abord la bêtise ce n’est pas l’erreur. C’est un des dogmes les plus répandus dans le sillage des Lumières que cette adéquation de la bêtise au non savoir, à la connaissance imparfaite. Car ce que la bêtise met en oeuvre ce n’est pas un au-delà ni un en-deça du savoir,c’est plutôt un ordre parallèle de connaissances, une alternative valable au savoir,elle légitime un savoir propre dont la cohérence n’a absolument rien à envier à l’ordre de la connaissance établie.D’ailleurs, c’est à l’intérieur même de nos  catégories de connaissance que la bêtise diffuse ses intelligibilités propres, elle parvient, avec une aisance presque déconcertante à épouser les formes connues des discours établis et à contaminer l’ordre connaissant.

La bêtise ce n’est pas une pathologie non plus. Comparé à l’ordre de la non bêtise,  elle ne présente absolument rien d’anormal. Elle n’accuse aucune dysfonctionnement qui exigerait d’office son congédiement.Elle est entièrement anonyme dans  le complexe tissu du réel

Autrefois l’oeuvre de démystification de la bêtise et de la débusquer dans ses retranchements revenait à l’intellectuel.

 

La philosophie grecque ouvre le discours de la bêtise. Discours de l’organisation d’une  négation et de l’aménagement d’une exclusion.Les Grecs inaugurent l’histoire d’un logos condamné à l’inpotence de dire et de nommer la bêtise pour elle-même. C’est avec une constance  jamais démentie que la philosophie s’évertue depuis les Grecs à renvoyer à la bêtise le reflet de ce qu’elle ne peut être et en fait n’est pas; il faut remonter  toujours aux Grecs pour prendre la mesure originaire de ce vertige du philosophe qui n’en finit depuis des siècles de s’exhiber et de faire montre de ses potentialités à chaque fois qu’il va à la rencontre  de la bêtise.L’avènement du logos philosophique est ipso facto un effort organisé et coercitif de situation de la bêtise et de la nécessaire exclusion qui suit cette dernière.Tout se passe comme si la philosophie avait justement besoin de la bêtise pour mieux indiquer sa nécessité, pour justifier son magister,pour mieux asseoir son hégémonie.De telle sorte que le rapport de la pensée à la bêtise prend  la figure d’un impensé autant dogmatique que nécessaire au philosopher.  

Pour les Athéniens, les plus bêtes c’étaient leurs voisins immédiats; c’est pour eux qu’il fallut inventer la notion d’idiotie. Si vous n’étiez pas un Athénien ,vous étiez un idiot.L’idiot des Grecs est à la fois un puéril et un immatur. C’est un corollaire de l’enfance dans son double déficit d’ignorance et de naïveté.Les Grecs parlent aussi  d’ apaideusia (d’inculte) ou d’ aphronesis (qui manque de jugement). Chez Aristophane la figure de l’imbécile  se dit (moros ) et l’on doit à Platon toute une théorie fort nuancée de l’innocence; dans le Phèdre ,proposant un rapprochement du simple d’esprit et du rustique, Socrate ose une novation : «je rusticise.» Il y a les définitions à contrario de la bêtise. C’est Prométhée et son frère Épiméthée. Au premier l’intuition aigüe, la lucidé limpide, le jugement vif, au second l’étourderie qui le condamne à voir seulement après coup, trop tard, bref à oublier. Pour Aristote, la bêtise naît du coté de l’excès, tel que dans la figure de l’ agroikos ,le borné, l’ignorant, des traités éthiques. Il est l’insensible ( anaisthetos ),cet agroikos dépourvu de sens et d’humour, incapable de répondre d’aucun plaisir.Privé de la juste mesure, il est ensauvagé de l’intérieur.Tout le contraire de la Cité qui cultive le raffinement, la culture et l’élégance. Donc pour les Athéniens, les Voisins et adversaires étaient bêtes; c’étaient ceux qui étaient toujours stupéfaits ou qui ne l’étaient pas assez.

La bêtise grecque entretient des liens organiques avec le politique  dont la rupture n’est nullement consommée. Que ce soit l’invite d’ Heidegger pour lequel  «nous restons en province»

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l’Iran n’existe pas

 

Tout compte fait l’Iran n’existe pas.

 Reza khan, Mossadegh, khatami, pas si sûr que ce soient des humains réels.

 Téhéran, Mashhad, Ispahan …des fictions de la ville, des villes imaginées, des collectivités disparates auxquelles,faute de mieux, ou par besoin d’intelligence, on cède volontiers le vocable de  ville, mais tout autre truc semblable aurait été aussi satisfaisant.  Depuis toujours l’Iran nourrit pour l’imaginaire occidental les frontières de l’altérité totale. L’autre inaccessible et perdu à jamais. En  fait, ce n’est même pas un autre, car la simple altérité pose toujours la possibiltié d’une réconciliation, d’une réunion, d’une compréhension.

 Depuis toujours, l’Iran cristallise l’autre, lointain, indésirable. Pas l’alter ego mais l’autre dans toute l’épaisseur de son opacité, sa lointaine monstruosité, son étrangeté finale et sans appel.

Et, ce n’est pas surprenant que les seules fois ou l’Iran parvienne à capter l’attention de l’occident, qu’il  se soit pris au piège du relais le plus sûr, et pour cette même raison aussi, le plus réducteur  de l’imaginaire de l’altérité géopolitique et philosophique, à savoir, le relais de la guerre et de ses mécanismes offensifs.

Ce sont les guerres médiques qui inaugurèrent l’inscription des Perses dans l’imaginaire occidental. Donc l’hostilité envers les Grecs, et à travers ces derniers, envers tout l’héritage gréco-romain .Même si Cyrus   fut l’architecte du fameux cylindre qui porte son nom et que beaucoup considèrent comme l’ancêtre lointain de la déclaration des droits de l’homme.

C’est aussi l’envers glorieux de cet Alexandre le Grand, cette race inconnue de mécréants qui ont préféré incendier Persépolis plutôt que de le céder en butin au grand conquérant.

C’est la conversion, au XVIe siècle, de tout une contrée, à un code de guerre diffuse, à travers le passage de tout le territoire au chiisme duodécimain, consacrant la charia comme exigence permanente au maintien de l’ordre.

C’est la suppression des droits spéciaux accordés aux étrangers et la mise à l’index des intérêts britanniques et russes dans les années 20.

C’est le bras de fer de Mohammad Mossadegh avec le monde entier au cours duquel l’Iran choisira en 1953 de nationaliser son pétrole laissant les pays importateurs à la merci des caprices de la politique.

C’est par une référence doublement belliqueuse que les occidentaux se sont mis à découvrir l’Iran vers la fin du vingtième siècle. La première fois par la crise iranienne des otages, lors de l’occupation de l’ambassade de l’ambassade des USA entre le 4 novembre 1979 et le 11janvier 81. La seconde fois, dans les sillages de l’envahissement par l’Irak du territoire iranien, dans ce qui allait devenir la guerre la plus longue du xxe siècle,la guerre Iran- Irak.

Plus tard, ce sera encore, l’index accusateur de l’ancien maire ultraconservateur de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad, maintenant à la barre de la présidence, multipliant les menaces, prophétisant les catastrophes, depuis les tours de contrôle de ses installations nucléaires.

L’Iran n’existe pas .L’Iran c’est la guerre universelle .La guerre sainte, la guerre civile, la guerre contre les écrivains, la guerre contre les artistes, les intellectuels (roshanfekran) qui pensent autrement. Tout est orienté pour et par la guerre.

 La guerre pour rien, la guerre par défaut. La guerre pour faire peur vite et de manière efficace.

 Voilà pourquoi  l’imaginaire occidental, ébranlé, affolé, dérouté, égaré, a toujours  statué pour  l’inexistence de l’Iran. Un tel pays ne peut exister. Un tel pays n’a jamais existé. Aucun homme, aucune société, aucun État ne saurait tenir dans les limites d’une telle banalisation de la guerre. La guerre est toujours l’exception, jamais la règle. Invraisemblables ces experts qui nous disent sur toutes les chaines de télévisions qu’il y aurait en Iran plus de onze millions de miliciens volontaires civils enrôlés dans les Basij (Force de Mobilisation de la Résistance),  qui seraient sans uniforme dans les taxis ,les universités, l’administration publique, au cinéma…  

 Non l’Iran n’est pas un pays.

C’est pour cela, que l’assassinat de Neda, cette jeune doctorante de philosophie, sous les yeux incrédules du monde entier, bien installé derrière les postes de télé HD, ne peut être qu’un mauvais songe, une farce cruelle. Si Neda  a réellement existé, c’est impossible qu’elle soit d’Iran.

Fredy villanueva,un coup de dés,trois ou quatre balles de plomb et le hasard…

Quelque coups de dés dans un parc …Trois,quatre agents de la paix qui s’avancent…Un certain Villanueva est interpellé…Un autre Villanueva s’interpose…Et un,deux,trois coups de feu retentissent dans le silence de cette fin d’après midi comme trois coups du destin sur le cours oublié de l’existence des Nords Montréalais.Il s’appelle Fredy Villanueva.D’autres diront qu’il est anonyme:qu’il pourrait s’appeler aussi Anthony Griffin,Jean-marc lizotte, Marcellus François, Quillem Registre ou Rohan Wilson.On est invités à faire l’injonction d’identifier derrière le masque qu’est son nom la face commune des victimes d’un fléau allégué et rampant qui a pour nom  labrutalité policière,l’ensauvagement mortifère de la SPVM.Les resultats malheureux de cette intervention policière ramènent plusieurs interrogations citoyennes à l’avant scène .Pour commencer,pourrons-nous comme citoyens permettre aux policiers de mettre en veilleuse les droits et libertés systématiquement sous prétexte que certains quartiers sont particulièrement criminalisés?Cette démangeaison du canon au nord de l’autoroute 40 est-elle compatible avec les valeurs québécoises enchâssées dans la Charte québécoise des droits?La réponse à ces questions n’est pas une peccadille à mettre au compte  d’imperfections résiduelles .II y va de notre engagement profond et le plus intime envers nos valeurs démocratiques les plus fondamentales. les valeurs démocratiques ne sont guère négociables dans un état de droit. Pour revenir aux évènements en tant que tels faisons la part des choses dans cette marée d’opinions diverses et contradictoires qui ont été lancées sur la place publique.

Toute analyse de l’incident doit passer par ce  constat obligé:des pans entiers de la population du Quebec vivent dans les marges de la société officiellement reconnue.Que leur exclusion soit imposée ou volontaire ne change rien au constat :Il y a au Québec une multitude de manières d’articuler son appartenance civique,de décanter son identité citoyenne.En effet,une ligne invisible quoique bien réelle sépare l’outillage mental de certaines communautés de la société générale.Comment expliquer autrement cette polarisation des discours selon que l’on habite le quartier de Montréal-nord ou pas.Les jeunes du quartier,les adultes,les travailleurs communautaires,tous tiennent le même discours:Les incidents sont la suite de vexations policières et d’abus psychologiques et autres émanant des agents de la paix.Pas une seule fois dans la forêt d’interventions des gens du quartier la moindre fissure dans la causalité alléguée.Il fallait voir la face perplexe et déçue des représentants des médias face à cette unanimité inattendue des gens du terrain sur l’origine des incidents.Le beau manichéisme routinier des bons d’un côté(les bons jeunes,les commerçants,les travailleurs honnêtes,)des méchants de l’autre(les gangs de rue),à la sauce TVA, a vite épuisé toutes ses possibilités face aux discours de tous les gens qui occupent le quartier.Très vite il devenait gênant pour les journalistes de continuer à prétendre que la casse qui se déroulait sous leurs yeux était l’apanage de groupes criminalisés ou de voyous du quartier.C’était d’autant plus frappant que plus les policiers s’inquiétaient et la population québécoise s’indignait devant leurs téléviseurs plus la population locale affichait une indifférence totale,comme s’il s’agissait d’un fait divers,d’une petite fête de quartier dont les médias avaient  seulement oublié la raison.Pour illustrer la fracture idéologique qui sépare ces Nord-Montréalais de leurs concitoyens il suffirait de rappeler comment après l’émeute les propositions de solutions pour éviter la répétition d’une telle crise furent essentiellement contraires:les gens du quartier de même que les travailleurs communautaires suggèrent moins de présence policière alors que la police ainsi que la grande population du Québec propose l’accroissement de la population policière.
Il nous semble que nous devons partir du principe que ce sont des québécois qui habitent un quartier d’une ville québécoise et qu’à ce titre il est impératif que les valeurs enchâssées dans la charte québécoise des droits soit respectée.Que les forces policières décrètent pour les raisons qui sont les leurs et qui sont sûrement honorables,que tel secteur est un secteur criminalise et qu’en conséquence une vigilance plus accrue doit y être exercée c’est là leurs droits le plus entiers,voir même leurs devoirs d’agents de la paix.Conclure à partir de là qu’ils sont autorisés à faire usage systématique de la gâchette et à remplacer tous les moyens d’intervention traditionnelle par la sortie systématique de leurs armes voilà un pas qui est de trop.On nous dit de toutes parts que la police communautaire avec son ramassis de bonnes intentions,ses policiers jouant au basket dans les cours d’école,ses critères d’embauche trop englobant(on admet des femmes qui ne font pas plus que 5pi),ses patrouillleurs bon enfant qui font du vélo devant les gangs criminalisés,on nous assure que cette police là est un fiasco retentissant.Les policiers ne sont là pour plaire à qui que ce soit,nous dit-on,ils répondent à ce besoin ingrat mais nécessaire de toute collectivité,soit celui de surveiller et punir.On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs, il faut donner de vrais moyens aux forces de police.
Tout cela est fort raisonnable.Cependant l’intensification de la matraque n’arrangera en rien les rapports déjà tendus entre ces quartiers dits chauds et les forces policières.Il y a même à craindre une radicalisation des antagonismes de la part même d’individus qui normalement seraient des alliés du maintien de l’ordre et de la paix.Même quand la bataille serait gagnée sur un plan purement policier je suis loin d’être sûr qu’elle le serait aussi sur le plan de la cohésion sociale et de l’insertion de ce secteur de la population dans le tissu social québécois en général.Car cela à lui seul n’abolirait pas nécessairement la perception partagée par plusieurs membres du secteur qu’ils sont l’objet d’un harcèlement systématique de la part des représentants des forces de l’ordre.
Donc on ne peut pas faire l’économie d’une police communautaire quelles que soient les modalités d’une approche plus criminaliste de la question.Il faut au contraire jumeler l’approche policière classique à celle d’une ouverture aux sensibilités plus respectueuses des particularités du quartier, ancrer la nécessité de surveiller et punir sur le socle des impératifs de prévention et de dialogue.

Suites juridiques

Au Québec la justice se veut discrète,sereine,hors des houles populaires et médiatiques. L’un des dogmes les plus chers à nos savants magistrats,tout juste après la  sacro sainte indépendance de la magistrature,c’est leur conviction unanime qu’il est inapproprié de voir et entendre ceux qui disent le droit au moment ou ils le disent.Pas étonnant donc que l’idée même d’une commission Villanueva qui soit filmée et radiodiffusée relève, pour ces Messieurs et Dames juges, de l’apostasie la plus totale.Ils peuvent admettre que Villanueva  soit d’intérêt public. Ils sont sensibles assez pour comprendre la nécessité d’une enquête du coroner.Ils ne sont ni sourds ni aveugles quant au malaise grandissant entre certains communautés et les forces policières. Mais rien de tout cela ne semble suffire pour les convaincre de la nécessité d’une transmission des travaux de la commission.Les acteurs du droit,en congédiant d’office cette ultime chance d’une proximité précieuse avec le public,  ont raté une belle occason   de faire obstacle à la perception largement partagée dans la rue que la magistrature ainsi que le système judiciaire en général protège   les agents de la paix et leur accorde un traitement favorable.  Rappelons la gravité des soupçons :Il s’agit de sou une discrimination systématique exercée par les forces policières lorsqu’elles sont en présence de certains citoyens .Publiciser les audiences du commissaire Sansfaçon c’est accueillir positivement le souci du public quant aux techniques d’enquête et aux tactiques d’intervention de cette police.On veut des images,on veut des voix,on veut savoir.Savoir de sources de première main.Pouvoir juger par soi, et non par les commentateurs.Villanueva tient lieu d’exception.L’affaire touche à l’essence même des valeurs d’une société démocratique.Son intérêt dépasse le cadre purement formel du droit criminel.Les règles qui régissent la logistique et la gestion de ses mécanismes doivent laisser une grande place à la souplesse et au pragmatisme .Si la commission veut éviter de finir en mascarade et simulacre de justice il est impérieux qu’on puisse,à travers toute la province,avoir accès en direct à ses faits et ses dires.Si elle ne cache rien,ne protège personne, alors elle doit intégrer l’espace démocratique général et assumer sa pleine publicité.Il ne s’agit pas seulement de justice.Mais aussi d’apparence de justice,qui touche au coeur même du débat dans cette affaire.Certains citoyens commencent à penser que les portes sont closes trop facilement quand il s’agit de policiers.Les huis-clos sont accordés avec trop d’aisance.Le peuple veut voir.Il veut savoir.
Quoi qu’on dise,elle est publique la mort de Freddy villanueva.Pas parce qu’on a vu la policière dégainer ou les assaillants encercler cette dernière .Non pas dans ce sens là.Je dis que sa mort est publique parce que les comportements qu’elle a distillés dans le prolongement de la malheureuse manif eux sont publics, et ce sont eux qui délimitent pour les citoyens en général le cadre perceptif de sa mort.l’orgie picturale qui usait et abusait de notre volonté de voir et de savoir ces magasins pillés,ces autos incendiées,la boulimie médiatique avec laquelle la société a consommé et digéré ce navrant spectacle,voilà aussi la mort de Freddy Villanueva.De telle sorte que ce que nous,comme citoyens qui n’étaient pas dans le parc lorsque les policiers avaient fait leur intervention la veille,ce qui circonscrit pour nous cette mort c’est ce tapage médiatique qui en a suivi.Alors s’il était juste de voir tout ce cirque autour des saccages,il est tout autant juste que les médias rapportent toujours en direct toutes les interventions de cette commission.On ne peut pas permettre aux policiers de s’aider des reportages même des journalistes pour identifier des suspects et en même temps refuser au public via les médias l’accès à la salle de la commission.Les médias ne sont pas uniquement un organe cathartique pour satisfaire les besoins de sensationalisme,ils doivent également contribuer à l’éducation citoyenne.Il faut en finir avec ce manichéisme niais et infantile  au nom duquel les images sont bonnes pour filmer une émeute mais mauvaises pour filmer le procès des émeutiers. Aussi, la décision du coroner Sansfaçon,d’interdire aux médias de publier les photos des policiers impliques ,est-elle, au meilleur incongrue et au pire, arbitraire.

Du bon usage d’un tribunal canadien contre les crimes terroristes

Le Canada aura bientôt sa loi pour les poursuites judiciaires contre les terroristes. Stephen Harper va déposer son projet de loi tres bientôt. L’ancien ministre de la justice,Irvin Cotler, avait préparé le terrain. Michael Ignatieff approuve. Jack Layton sourit. Le congrès juif canadien jubile. En principe, tout assassin mérite d’être jugé. Le crime ne saurait rester impuni dans une un état de droit sans que la  cohésion tant  morale qu’éthique de cette dernière ne soit compromise  . Le premier ministre doit prendre acte ,toutefois, qu’un tel geste ne saurait servir de faire valoir à des détournements subtils et malsains au service de groupuscules nébuleux cherchant à faire avancer l’agenda de leurs causes à partir d’une institution nationale. Il ne saurait surtout être question de donner le feu vert à un militantisme judiciaire abusif ou se déploieraient à outrance et à pas de charge des accusations de terrorisme sans aucun examen judicieux et en dehors des lois connues et respectées au Canada.S’il s’agit de poursuivre ces gens au Canada, les lois qui seront en vigueur pour ces procès, elles aussi, devront être canadiennes. La question du terrorisme est si sensible qu’elle représente l’accusation la plus troublante et la plus répréhensible pour un individu ou un groupe donné. Ses stigmates sont irréversibles et ses conséquences dépassent les limites du territoire national ou vit l’inculpé. Ici, plus qu’en tout autre régime du droit, le mot d’ordre devrait être prudence,attention et précision.L’erreur sera toujours de trop. Qu’on se souvienne de Charkaoui. Qu’on garde en mémoire les détenus faussement inculpés à Guantanamo. Quand bien même les accusations  cesseraient, une forte odeur de doute continuera à  planer.

Si les enthousiastes de ce projet de loi s’inspirent du cas de la Libye ,disons rapidement que l’exemple libyen est une exception vue l’origine des criminels et la globalisation des préparatifs au crime.

Rappelons qu’à l’heure actuelle il n’y a encore aucune définition juridique canadienne  connue du concept de terrorisme. Il ne serait pas inutile d’inviter à un balisage conceptuel préalable avant de sauter pieds joints à l’assignation  juridictionnelle de ces poursuites. Une autre question d’importance revient à déterminer quel sera le poids des instances de la Gendarmerie Royale du Canada ou d’autres corps de police dans la manipulation de la preuve, qui, on peut présumer,émanera pour la plupart de corps d’enquête étrangers. Car s’il s’agit de poursuites canadiennes faites par des Canadiens contre des résidants ou ressortissants canadiens il serait difficilement tolérable que ce tribunal devienne une vitrine offerte par le gouvernement canadien à ses amis étrangers pour mener en sol canadien leurs affaires locales.La question de l’autonomie du Canada autant dans la preuve recueillie que dans la tenue du procès ne sera pas une question collatérale. Au contraire, elle touchera à la pertinence même de cette judiciarisation du terrorisme. D’autant plus que les familles n’hésiteront pas à faire des comparaisons entre ce qui se fait ici et ce qui se fait ailleurs. Contre tous ces éventuels appels à s’éloigner des normes juridiques et administratifs locaux , le seul bouclier possible ne sera rien d’autre que la parfaite intégration des tenants et aboutissants de ces poursuites dans l’édifice juridique national,et ceci du début à la fin. Sinon, adieu ordre et justice, bonjour chaos et dérapage.

Chronique des ombres boréales

La programmation planifiée du pillage systématique du patrimoine forestier québécois tire à sa fin. Les oligarques du bois de la province, les mollah de la forêt boréale tremblent : après trois siècles interrompus d’inaction et de compromis généralisé, l’état québécois entend mettre un frein à la dérive suicidaire et génocidaire de l’industrie forestière de la province. Au royaume gourmand des multinationales du bois, dans les coulisses corporatives des seigneurs forestiers contemporains, un parfum de cataclysme court sur le destin placide des essences québécoises.L’ère des compromis est révolue. Désormais , les apparatchik du bois trouveront sur leur chemin  le bras contraignant et sanctionnant du gouvernement résolu à les forcer de soumettre leurs priorités mercantiles à des exigences tant écologiques que législatives claires et cohérentes.

Il fallait sévir contre les abus et errements révélés par le documentaire,  maintenant historique,  de Richard Desjardins. En effet, L’erreur boréale aura eu le mérite de fouetter la conscience nationale et de réveiller les Québécois de leur sommeil idéologique à l’égard des conduites et des pratiques suicidaires en vigueur dans l’industrie forestière de la province. Le diagnostic de Desjardins est dévastateur : coupes à blanc; concentrations de l’industrie aux mains d’une nuée de  corporation, pour la plupart, étrangères; déboisements à grande échelle; complicité des fonctionnaires négligents quant aux inspections et vérifications nécessaires à l’application des sanctions; absence de considération des spécificités des régions …

Des voix se sont levées de tout côté pour exiger des organismes et des institutions publiques une véritable politique du bois forestier au Québec. Il devenait inadmissible  de laisser le ministère des ressources naturelles perpétuer ce statu quo et compromettre à ce point le bien-être des générations futures par  ce manque total d’une vision intégrée pour l’écosystème forestier. Des alliances se sont tramées; des lobbies ont vu le jour; des commissions d’étude ont tenu lieu; des rapports en résultèrent; tous demandaient de nouvelles voies pour assurer la transition de l’industrie forestière de l’exploitation à la protection.

La réponse du gouvernement est arrivée enfin par le biais de ce projet de loi 57:  »assurer la pérennité du patrimoine forestier et à implanter un aménagement durable des forêts. À cette fin, il favorise une gestion intégrée et régionalisée des ressources et du territoire forestier » tel sera le mot d’ordre de la nouvelle gestion forestière.  Ce nouveau régime devrait entrer en vigueur dès 2013 modifiant du même coup le régime actuel Loi sur les forêts (L.R.Q., chapitre F-4.1) . Plusieurs lois seront modifiées si cette loi devait être adoptéeLoi sur l’aménagement et l’urbanisme (L.R.Q., chapitre A-19.1) ; Loi sur l’assurance-prêts agricoles et forestiers (L.R.Q.,chapitre A-29.1); Loi sur les cités et villes (L.R.Q., chapitre C-19) ; Code de la sécurité routière (L.R.Q., chapitre C-24.2) ; Code du travail (L.R.Q., chapitre C-27) ; Code municipal du Québec (L.R.Q., chapitre C-27.1) ; Loi sur les compétences municipales (L.R.Q., chapitre C-47.1) ; Loi sur la conservation du patrimoine naturel (L.R.Q.,chapitre C-61.01) ; Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune (L.R.Q.,chapitre C-61.1) ; Loi sur le crédit forestier (L.R.Q., chapitre C-78) ; Loi favorisant le crédit forestier par les institutions privées (L.R.Q.,chapitre C-78.1) ; Loi sur la fiscalité municipale (L.R.Q., chapitre F-2.1) ; Loi sur les impôts (L.R.Q., chapitre I-3) ; Loi sur les mesureurs de bois (L.R.Q., chapitre M-12.1) ; Loi sur les mines (L.R.Q., chapitre M-13.1) ; Loi sur le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (L.R.Q., chapitre M-14) ; Loi sur le ministère des Affaires municipales et des Régions(L.R.Q., chapitre M-22.1) ; Loi sur le ministère des Ressources naturelles et de la Faune(L.R.Q., chapitre M-25.2) ; Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires etde la pêche (L.R.Q., chapitre M-35.1) ; Loi sur les pesticides (L.R.Q., chapitre P-9.3) ; Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (L.R.Q.,chapitre P-41.1) ; Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., chapitre Q-2) ; Loi sur le régime des terres dans les territoires de la Baie-James etdu Nouveau-Québec (L.R.Q., chapitre R-13.1) ;Loi sur la sécurité incendie (L.R.Q., chapitre S-3.4) ; Loi sur la Société des établissements de plein air du Québec(L.R.Q., chapitre S-13.01) ; Loi sur les terres du domaine de l’État (L.R.Q., chapitre T-8.1) ; Loi sur les véhicules hors route (L.R.Q., chapitre V-1.2).

Deux règlements seront abrogés si cette loi devait être adoptée:

Règlement relatif aux contributions au Fonds forestier (Décret no 418-89, 1989, G.O. 2, 1947);

Règlement sur les plans et rapports d’aménagement forestier(Décret n o 328-2002, 2002, G.O. 2, 2071);

En quoi cette nouvelle architecture du régime forestier contribue effectivement à concilier la normativité de durabilité,les exceptionalismes des communautés autochtones à la nouvelle donne écologique? Quelles sont les lignes de force de  cette nouvelle vision de la forêt?

Analyses et commentaires

La nouvelle Loi voudrait codifier les dernières mutations sociologiques,culturelles et écologiques autour de la forêt.Elle dégagera, pour le faire, un espace ou elle entend ériger la clôture du discours forestier actuel. Son défi: instituer la durabilité de la forêt comme paramètre juridique viable et pertinent dans la nouvelle économie juridique . Elle mettrait  en oeuvre une architecture qui va procéder à plusieurs substitutions .D’abord, la forêt devient territoire forestier. Il s’agit là d’une extension de l’ancien ordre forestier, restrictif au sol et aux produit ligneux, à un ordre plus englobant et plus compatible à l’idée d’écosystème.Désormais le législateur se propose d’entendre la forêt comme un tout global dépassant le cadre strict et étroit de la production forestière.Même les chemins de forêt de l’ancienne Loi deviennent chemins multiusages.Toutefois cet enrichissement extensif de la forêt ne va pas sans poser des questionnements importants tant théoriques que pratiques.

Ensuite, toute loi procède nécessairement par abstraction obligée. La forêt dans la loi demeurera nécessairement le résultat d’une détotalisation, d’un arrachement au tissu du réel au cours duquel elle gagnera son intelligence juridique. Elle doit perdre ses paysages enchanteurs, ses cours d’eau ruisselant dans le matin clair,l’odeur de ses pins majestueux embaumant les rêveries, elle doit perdre son caractère de forêt empirique et naïve pour devenir une forêt juridiquement investie. Car ce que le droit veut faire intervenir dans la forêt ce ne sont pas seulement des promeneurs solitaires , des mystiques occasionnels ou des philosophes contemplatifs mais des êtres de fiction comme la personne raisonnable ou l’occupant responsable ou encore l’écosystème exceptionnel . Autant de catégories conceptuelles grâce auxquelles le droit dit ses possibilités et nomme son étendue. Quand le droit déroule sa toile fictive autour de la forêt,cette dernière subit comme toute autre entité juridique,des métamorphoses complexes nécessaires à son intégration juridique.

Si pour mieux dire ses énoncés sur la forêt, le droit est forcé de brouiller les contours de l’autre forêt,empirique et naïve, cette ruse de la raison légaliste ne saurait servir de porte faux à l’exigence d’intégrité conceptuelle qui la soustend: à savoir, quelle est l’étendue de la forêt version écolo de ce projet de Loi. Ou commence le fameux territoire forestier et ou termine t-il? Est-ce que l’oxygène ,les gaz à effet de serres ,les couches de la nappe phréatique, la population des algues du Saint-Laurent pour ne rien dire du diesel des moyens de transport dans les chemins forestiers sont pris en compte dans l’économie du nouveau territoire forestier.

En troisième lieu, se pourrait-il que le système du droit en tant que clôture normative du discours soit une approche écologique à la fois inopérante et  incohérente dans le contexte actuel? Car le droit veut clore alors que l’écologie veut procéder à l’intégration d’une ouverture globalisante. Pour dire rapidement il semble que le droit enferme, quand l’écologie tend à ouvrir.La question d’une incompatibilité est ouverte. Dans cette perspective un droit environnemental fait figure de paradoxe .

Finalement, rappelons les principales mutations historiques dans les rapports de l’homme à la forêt.

Au XIXe s la forêt est intégrée dans une vision romantique. Elle est devenue le refuge de l’individu assoiffé de nouveaux dieux.On assiste alors à un réenchantement qui prend l’individu,ses profondeurs dionysiaques,ses intuitions primitives pour programme explicite,dans le but déclaré de conquérir  un homme libre et irréductiblement lui-même,se réconciliant enfin avec soi-même et résistant aux fabrications aliénantes que lui impose l’ordre social de l’histoire et de la Culture,que ce soit sous la forme du génie,du saint ou du héros.

L’anthropologie culturelle moderne naît avec l’étude de Frazer sur les bois sacrés de Diane à Nemi:Le Rameau d’or .Une théorie de l’évolution des croyances allant de la magie à la religion.Il a introduit la forêt et les bois dans les études sur l’histoire des croyances religieuses à travers les cultes du renouveau de la végétation ou de sa mort .

Mircea Eliade dans son Traité d’histoire des religions campera une typologie de l’arbre comme symbole religieux tel l’arbre-image du cosmos dont l’exemple le plus fameux est le frêne Yggdrasil qui est fréquent dans les contes de la mythologie germanique, retranscrits au Moyen-Âge par les poètes scandinaves.

Dans l’Inde brahmanique, la forêt se désertifie, sur les axes d’une hiérarchie négative par rapport au village.Elle est l’en-deça de l’espace normée ou l’au-delà de cette dernière.Elle est entre le Grama et l’ara(n)ya,ce dernier terme connotant l’idée de l’autre,ce vers quoi on part quand on quitte le village.C’est le vide, la suspension de l’ordre spatial proprement dit ou les repères connus de la civilisation se brouillent.Ceux qui s’y aventurent sont ou des brigands ou des dieux.

D’abord espace mythologique, ensuite espace religieux ,puis espace anthropologique depuis Frazer, elle est aujourd’hui le lieu ou se déploient les lois économiques articulant les modalités d’une intégration écologique viable.

Au Québec, la forêt a été tour à tour _ la pharmacie des Premières Nations;le grenier des trappeurs;l’écran de projection des fantasmes d’autodestruction  collective(par le biais de la peur des incendies);colonie pénitentiaire des rebelles de droit commun;refuge des fugitifs;matrice d’une symbolique identitaire de l’érable ou des pins;espace d’organisation pratique de la botanique locale;symbole de vitalité économique grâce  aux exportations faramineuses des pâtes et papiers;courroie de développement régional;champ d’affrontement privilégié de la nouvelle guerre écologique.

Elle est aussi une orientation idéologique du fonds patrimonial. La forêt est le laboratoire de mécanismes nouveaux de fiscalité.Elle délimite le partage entre les territoires urbains et les collectivités rurales.Elle dit ce qu’une collectivité considère comme le propre de tous(comme les mines et les ressources du sous-sol) et les parts de chacun. Elle ordonne les valeurs associées à une esthétique de la faune locale selon les paramètres d’une botanique naïve en temps normal, agressive en période de réforme sociale.

Elle distribue des savoirs divers,elle légitime des espitémé hétérogènes.Avant la colonisation son espace discursif et épistémologique ordonnait les possibles de la santé et de la maladie .Elle formait alors grossomodo la structure ,tantôt stable,tantôt dynamique,d’une pharmacie pour les Premières Nations.Les lignes holistiques de l’échange entre ces tribus indiennes et les produits de la forêt plaçaient cette dernière dans un tout ordonné ou se référençait le partage du sain et du malade.

Depuis la nécessité de soumettre l’arbre à des mesures homogènes et standardisées,depuis la mise en oeuvre d’un dispositif servant à cataloguer les stades de sa croissance,à chiffrer l’âge ou il est décrété mature et donc prêt à être abattu, depuis que l’on greffe sur ses pratiques les spéculations calculatoires  de coût vénal, depuis le passage d’une botanique traditionnelle et naïve à une botanique agressive et mercantile, la forêt ne cesse de multiplier ses profils discursifs,consommant toutes les idéologies,accueillant tous les paradigmes.

la mutation écologique est la dernière tentative de réenchanter l’univers forestier.Seulement il ne s’agit pas comme l’enchantement romantique du siècle dernier,d’un retour aux sources,d’une nostalgie de l’origine,bref d’une généalogie vertueuse,il s’agit cette fois d’enchanter la forêt en y introduisant la présence de vies à venir,le souci de générations futures,l’orientation d’un but ,bref,cette fois-ci,une téléologie éminemment messianique. De la fiction de l’origine on passe en moins d’un siècle à la fiction d’une fin. Dans le premier, la forêt permet la reconquête, en nous, des forces enfouies de l’enfant,du primitif,de l’artiste et du génie; dans le second, elle constitue les termes d’une dette dont chaque génération doit s’acquitter envers les générations ultérieures.Romantisme de l’origine ,messianisme de la fin.

En outre, la forêt résulte également d’une lecture interprétative du paysage, elle  n’est jamais indifférente aux mutations sous-jacentes à l’histoire des idéologies du paysage..C’est d’abord, selon le géographe Y.Lacoste, une invention des militaires: <<Bien avant qu’on porte aux paysages réels une  esthétique(par opposition aux paysages représentés), les hommes de guerre y avaient déjà porté une attention extrême étroitement liée bien sûr à de soucis stratégiques et surtout tactiques.Observation du terrain depuis un point de vue dominant,pour organiser le champ de bataille, sinon sa mise en scène. De cette attention portée, bien plus efficace que la lecture d’une carte,naît le paysage>>. Un regard projeté sur la terre,sur le terrain des opérations, une pratique guerrière.(Y.Lacoste).En fait, le paysage est un art de la guerre avant d’être une pratique de l’art.<<L’observation des paysages sert d’abord à faire la guerre>>, conclut Lacoste.Le regard du soldat façonne le champ de guerre de ses prises aériennes.Il trace la migrance des troupes selon les sauts du terrain. Ici un pic qui sert à balayer visuellement le camp ennemi, là une butte pour camoufler les renforts, là encore,une plaine pour le déploiement des fantassins,plus loin, un taillis pour le repli. La forêt québécoise est donc l’expression d’un rapport de forces ou se jouent des conduites   éminemment liées au pouvoir.Au Québec le paysage a d’abord été façonné par les impératifs de la stratégie militaire.Les terres boisées abritaient les troupes françaises contre les menaces constantes de l’envahisseur anglais.

Évidemment la forêt n’est pas un droit universel.Il faut la mériter.Quand l’état consent à partager ses terres avec les institutions privées, que ce soient des organismes ou des entreprises d’exploitation, il s’attend de la part de  ces derniers qu’ils acceptent volontiers de se soumettre à un protocole d’admissibilité homogène. Au Québec, une loi sur les crédits forestiers pour les institutions privées traite de ces concessions au privé des terres de l’état.

Finalement, le feu, les pesticides et les véhicules routiers cristallisent les mences permanentes auxquelles la forêt s’expose.Ils exigent alors de la part des décideurs une logistique de prévention et d’intervention qui soit à la fois opérationelle et raisonnable. La question des accidents de travail en forêt demeure une problématique épineuse puisque l’accès aux chemins de forêt ne se fait pas toujours dans des conditions idéales.

Politique de consultation . Tout ce que mentionne le projet C57 c’est un vague  » il constitue la Table des partenaires de la forêt  dont il nomme les membres et définit les règles de fonctionnement ». On sait par ailleurs que les autochtones seront plus écoutés dans le cadre de la nouvelle Loi. Or grand soin doit être pris pour que ne soient exclues de la table de consultation des acteurs ou organismes communautaires émanant du milieu écologique .Car l’image de la forêt québécoise ne concerne guère uniquement les bonzes de l’industrie forestière .C’est un souci collectif qui demande à intégrer des considérations écociviques à tous les niveaux de la production forestière. Puisqu’il s’agit de moderniser les rapports de l’homme québécois et de la femme québécoise avec ce support privilégié de l’imaginaire collectif national qu’est la symbolique de la forêt,les consultations doivent être le plus larges possibles,englobantes et intégrales. En  fait, la manière la plus sûre pour le gouvernement de s’assurer d’une compatibilité écologique de ce nouveau plan c’est justement d’ouvrir ces consultations à ceux qui ont été à l’avant poste du nouveau paradigme de durabilité . On pense à Equiterre, Québec Nature, Consommation responsable,Centre ressource du développement durable… Lire la Suite

Énergie propre:il est minuit moins cinq

GM, longtemps, première entreprise de la planète,  emblème chérie de l’Amérique triomphaliste,menacée de faire faillite, voilà une odeur de fin du monde pour toute l’industrie automobile et peut être plus encore.Pour l’année financière, l’entrerprise a subi une perte d’environ 31 milliards US. En 2007, c’était 43 milliards US de pertes qu’elle subissait. On accuse d’office les pétrolières   du Golfe trop cupides; on dénonce la gourmandise éhontée des cadres supérieurs dont les primes faramineux ne finissent de scandaliser Mainstreet; on fulmine contre les banques qui ont consenti à des prêts un peu trop à la va vite.
Et si la déconfiture de GM avait tout simplement pour nom le sommeil idéologique de l’industrie automobile américaine ainsi que ses rejetons européens face à la nécessité de s’ouvrir aux énergies renouvelables moins polluantes. Et si tous ces milliers d’emploi qui seront perdus pour jamais auraient pu être  écités si les bonzes de l’automobile s’étaient mis au pas des possibilités réelles qu’offrent les recherches sur les biocarburants et l’énergie propre.
Triomphe pour les environementalistes! Pas si sûr.
 puits de pétrole en Iran
  Disons qu’on ne sait pas encore trop bien de quoi aura l’air la voiture de demain. Ce dont on peut être sûr dores et déjà c’est que l’essence sera d’un autre type. Elle viendra des énergies renouvelables.  Ses sources de production se localiseront plus proches de ses points d’utilisation.  Elle sera plus propre.  Bref, ce sera de l’essence bio avancéé.
Et, comme citoyens d’une économie globalisée, nous exigerons tous un carburant plus propre et plus disponible.  Les carburants biologiques du futur satisferont ces tests.  Ils seront produits à partir de   biomasse, grâce à la technologie moderne  de façon à être renouvelable, plus propre et plus pratique de telle sorte que le consammateur puuisse les trouver et les utiliser à proximité de la station de pompage.
 
Le défi est celui qui soustend toute nouvelle inflexion dans les habitudes collectives: et je parle de la compatibilité avec les anciennes. Ces biocarburants se devront d’être compatibles avec les systèmes de distribution de carburant ainsi qu’avec  les véhicules existants, tempérant ainsi le besoin additionel de nouveaux systèmes d’infrastructures fort coûteux.
Le Canada, tout comme le Québec,accuse un retard fort important face aux USA, le Brésil et  l’Europe.
Mais le séisme provoqué chez nous  par l’effrondement de la maison GM rappelle avec effroi l’impératif urgent d’un virage national.
Quelques signes encourageants.
Enerkem, une entreprise de Montréal, a annoncé la mise en chantier cette année d’une usine qui transformera une partie des déchets domestiques de la ville d’Edmonton en éthanol et méthanol, deux alcools pouvant servir de carburant. À partir de 2011, cent mille tonnes de déchets serviront à produire 36 millions de litres par année de biocarburant, l’équivalent en consommation d’essence de 15 000 voitures.
Il est déjà minuit moins cinq à l’heure énergétique mondiale.Ét ce sont les biocarburants  qui occupent le peloton d’avant posted à titre de  candidats les plus prometteurs comme  substituts à l’essence traditionnelle. Quelques embuches se feront coriaces. Il faudra que que moins de terres arables  soient  utilisées pour produire une quantité donnée de carburant afin d’éviter toute concurrence avec la production agricole.L’éthanol cellulosique, que l’on fabrique à partir de matériaux sans valeur alimentaire, comme l’épi de maïs sans ses grains, la paille du blé ou le bois d’arbres atteints de maladie en est un exemple éloquent.   Au début,  ce sont les parties des semences alimentaires qui sont non comestibles ( les pailles   et les feuilles dans le cas du maïs)  qui seront converties en carburant.

  En fait ,la voiture de demain fonctionnera plus ou moins comme celle d’aujourd’hui. Des générations d’automobiles,incluant celles d’aujourd’hui et la plupart de celles à venir,fonctionnent grâce au moteur à combustion interne. Sans oublier qu’un temps de transition sera nécessaire pour remplacer les voitures existantes. Selon le AAA(American Automobile Association), il y a plus de 240 millions de véhicules sur les routes américaines.  Les voitures de promenade ont un âge moyen de près de neuf ans en 2006,  et cet âge moyen n’a cessé de croître depuis  2001.  Les voitures et les camions plus vieux de onze ans composent le tiers—36%— du parc automobile.  Plus la récession continue d’affecter les acquisitions d’automobile ces chiffres ne feront qu’augmenter. En outre,lors des remplacements des voitures,  les nouvelles voitures achetées par les consommateurs devront être à la fois abordables et faciles d’opération. Le Gasoline (petrole) et le diesel  sont les carburants les plus abordables et les plus faciles d’opération  du siècle dernier  et ils continuent de l’être à ce jour.  Toutefois ces dernières années ,l’approvisionnement  en gasoline et du diesel dérivés du pétrole a été remis en question.  De quoi aura l’air le carburant du futur?  Les carburants futurs devront être compatibles avec les moteurs des véhicules existants  ainsi qu’avec l’infrastructure de livraison des carburants actuels.   Ils sont légion les avantages de la prochaine génération de carburants bio.  Premièrement ils ne sont pas moins efficaces que notre gasoline et notre diesel d’aujourd’hui.  C’est pourquoi dans le jargon de l’ndustrie on les décrit comme étant « fungible »,  i.e qu’ils sont  interchangeables  avec l’offre de carburants existants.      Troisièmement, l’utilisation de biocarburants avancés éliminera en même temps les préoccupations d’un  « blend wall »,  étant donné qu’on peut les mélanger  dans n’importe quelle concentration  avec les carburants pétrochimiques,  ce qui augmente leur penetration.

, À l’avenir, les automobilistes n’auront pas à changer leurs habitudes d’achat et d’usage des carburants.  À titre d’anologie, l’exemple du software Web 2.0  ,  ou les changements aux applications enligne sont immédiatement disponibles à tout usager.  Aucun besoin d’acheter du nouveau hardware,  d’attendre des mises à jour  ou d’espérer que ça marchera une fois installé.

 .

 

 

 Les biocarburants seront les carburants de transport les plus respectueux de l’environnement et les plus disponibles  La première génération des carburants de transport,  comme l’ethanol à base de maîs,  a permis de réduire la dépendance aux carburants fossiles.  Cependant ils n’ont pas été assez efficace en output d’énergie,  et plusieurs enjeux relatifs aux prix des aliments et l’usage des terres ont été soulevés.  Àl ‘avenir les biocarburants fungibles et commercialement viables  seront basés sur de multiples feedstock non alimentaires,  approvisionnés localement près des sites de production de carburant.

 Aujourd’hui, des ressources, tant publiques que privées, fort significatives sont utilisées pour rendre nos voitures plus efficaces .  On peut s’attendre à des avancées technologiques de plus en plus soutenues avec le but commun de la protection de l’environnement.  Les véhicules électriques ou à batterie, par exemple,  se basent sur d’importantes nouvelles techonologies  qui auront leur rôle à jouer,croyons-nous, dans le futur. Cependant d’importants défis à moyen terme demeurent.

 Des enjeux de performance comme la vie suboptimale des batteries  et les capacités de stockage.  Mais l’impact potential sur l’environnement est ,de manière paradoxale,le principal talon d’Achille des véhicules électriques.  Premièrement les véhicules électriques ou à batterie seraient principalement chargées en puissance dérivée du charbon, lequel  est très bien connu comme une source importante de gaz à effet de serre(greenhouse) qui contribue grandement au réchauffement climatique. De plus,  il est évident que la production de plus de puissance à base de charbon pour charger les véhicules électriques  causerait également une plus grande pollution.

 Ensuite, les voitures à batterie dépendent du lithium,  un matériel brut qui fait déjà l’objet de sollicitude accrue de la part de l’industrie informatique.  Ce qui pose la question de dommage environemental potentiel  pour les pays moins développés  ou se trouve le lithium.  Qui plus est,l’impact environemental d’une plus grande diponibilité de batteries  devra être considéré.  Autant d’embuches qui peuvent créer des défis  à la disponibilité à large échelle  et à l’adoption de  véhicules électriques abordables et pratiques.

 Une autre tare des voitures à batterie rechargeable  consiste en leur dépendance  à l’infrastructure vieillotte et moribonde des systèmes de transmission. Aux USA seulement,un rapport du  Electric Power Research Institute  estime que le pays a couramment assez  de dispositifs extra electriques pour charger 1 million de voitures tous les soirs.  Alors qu’il y  a plus de 240 millions de véhicules en usage.  A 30 millions de plus de voitures électriques   ajoutés au parc immobilier  la prochaine décennie  ce système déjà très congestionné risquerait d’exploser.

   Ensuite les domaines ou le potentiel solaire ou éolien  sont les plus grands ne sont pas forcément les plus proches des centrales électriques(grid power),  ouvrant la voie au marchandage des sites et à des débats  capables de fissurer des consensus acquis entre plusieurs mouvements qui font jusqu’ici front commun.  Il est des environnementalistes ,par exemple, qui sont tirailles entre  la ratification du traité Endangered Species Act  dans les débats autour du sort de la tortue du désert  sur les sites des panneaux solaires and  et l’infrastructure de la transmission  du Désert Mojave   sur la centrale,  pour une plus grande distribution. On peut s’attendre à des débats de plus en plus vigoureux entre la communauté scientifique et d’autres sur le carburant de transport futur..  Ce qui est très sain et nous assure que toutes les opinions seront entendues.  En fin de compte, tous admettent que la pollution reliée au transport doit être réduite.  Pour atteindre cet objectif,le carburant du futur doit être autant accessible et abordable que propre.  Autrement il ne sert à rien, car il restera une curiosité de laboratoire  ou une opportunité de marketing éloignée .  La prochaine génénration de carburants,  dérivée de sources naturelles dérivées,  voilà une étape pratique dans la bonne direction.

 Commençons par dire tout simplement que le côté pragmatique des choses joue en faveur des biocarburants puisqu’ils sont plus faciles à trouver.  Sans oublier qu’il il y a encore beaucoup à faire avant que les batteries deviennent techonologiquement adoptées et commercialement viables pour le commun des mortels.   Évidemment on peut toujous objecter la plus grande efficacité des moteurs électriques par rapports aux moteurs à combustion interne  et par voie de conséquence,leur moindre coût d’opération,  même si on prend en compte leur coût d’acquisition initiale plus élevé.  Seulement, on peut s’attendre qu’avec l’usage les innovations technologiques reliées au carburant lui-même contribuent à en augmenter la performance de la combustion interne.Car il fait partie inhérente des espoirs promis par la biotechnologie de pouvoir produire plus efficacement que la chimie traditionnelle.

 Il serait illusoire de croire que la demande de voitures électriques  n’aura aucun impact sur le marché de l’automobile. L’image de lignes d’autos se rechargeant les batteries,la nuit venue,  connectées à des prises relève un peu de la fiction. Les adeptes de la voiture électrique ne disent pas non plus   à quel point les rechargements rapides sur la route demanderont des voltages plus hauts et des puissances à trois phases, lesquels ne pourront se réaliser sans de nouvelles infrastructures.   On peut leur demander aussi ou procureront-ils les matériaux des batteries nécessaires à ces rechargements rapides. Actuellement le laboratoire serait leur seule source . S’il est vrai que les voitures privées pourront se passer de ces rechargements rapides , ce n’est pas le cas des voitures commerciales,qui constituent la part du lion du parc automobile.

 La question épineuse de la provenance des matériaux bruts! Biocarburants et concurrence aux produits alimentaires semble aller de pair.Il restera moins de maïs ,nous ressasse t-on, lorsqu’on aura utilisé plus de maïs pour faire du biocarburant. Le biacarburant ce n’est pas nécessairement de l’éthanol à base de maïs. Et ceci pour au moins deux raisons:  Premièrement,le marché du maïs américain est subventionné par des subsides de telle sorte qu’il n’y a guère un prix de marché donné pour le maïs américain .  Toute politique honnête de carburant américain  procéderait à l’élimination de ces subsides  ainsi que les barrières à l’importation de biocarburants commercialement viables , tel que l’éthanol dérivé de la canne à sucre brézilienne. Deuxièment le maïs est un grain céréalier. Il est utilisé pour l’éthanol à cause de sa richesse en amidon( conséquence d’une breeding très sélective destinés à le rendre nutritif),  et toute fermentation yeast-based existante  ne pourra au début faire l’économie de l’amidon ou de la canne.    Dès que les enzymes soient à même de digérer les celluloses,  la partie la plus importante de la matière végétale tout est possible:  Évidemment des semences dédiées en carburant seront du lot,  mais l’objectif étant toujours de changer toute la plante en carburant, de telle façon  que si les semences alimentaires formaient le matériau brut.  En ce qui concerne les batteries,  la question du matériel brut revient à se demander d’ou vient le lithium.On sait qu’il n’est pas possible pour les constructeurs de batterie actuelle et possible de faire l’économie   des ions de lithium  à titre de transporteurs de charge positive. ( La charge négative étant transportée par les électrons  qui courent dans le moteur électrique.)  Or les lions de lithium sont petits,  et par conséquent mobiles.  Seulement les ions d’hydrogène et d’hélium sont plus petits,  mais les premiers sont les bases de batteries traditionnelles à forte teneur d’acide,  ce qui pose d’autres problèmes.Quant à l’helium, il pèche par son inertie et par son prix très cher. Il est vrai que les fournisseurs d’hélium sont geographiquement restreints,  les plus grandes réserves étant en Bolivie.La dépendance envers les monarchies pétrolières exclut d’emblée comme stratégie de chercher leur lithium.  

Charlemagne au marché des dieux

Le pauvre Charlemagne en perdrait son latin dans les ambitions du nouveau programme d’Éthique et Culture religieuse du gouvernement du Québec.Dès l’école primaire, l’État se donne les moyens de préparer ses futurs citoyens au dialogue et à l’ouverture envers les religions non chrétiennes. Un programme d’enseignement des rudiments du judaïsme, des sagesses autochtones,du nouvel âge,de l’hindouisme, de l’islam…sera dispensé aux écoliers sans aucune possibilité de se soustraire. Le but déclaré étant de réfléter dans le programme scolaire le pluralisme religieux tel qu’il prévaut dans la société  »en faisant appel au dialogue, on cherche à développer chez les élèves un esprit d’ouverture et de discernement par rapport au phénomène religieux et à leur permettre d’acquérir la capacité d’agir et d’évoluer avec intelligence et maturité dans une société marquée par la diversité des croyances ».

 Il est toujours bon, naturellement, de promouvoir la concorde universelle des religions; c’est même la marque  la plus sûre des grands esprits d’être chez eux dans toutes les grandes traditions philosophiques et religieuses. C’est toujours un triomphe pour l’esprit et la raison que le souci d’autrui, de ses absolus et de ses dieux.C’est toujours une excellente chose que cette diplomatie de l’altérité qui est la politesse des princes.Pour Francis Bacon, les troubles et l’adversité ramènent à la religion.

 Et pourtant un programme, comme le nouveau cours d’éthique et de culture religieuse, quelle que soit la noblesse de ses intentions, ne peut se permettre les infortunes  d’un bricolage trop hatif; un tel programme , en raison même des fils à haute tension qui le traversent de part en part, se doit dans ses applications d’être à la hauteur morale et philosophique de ses objectifs. Un tel programme,pour faire vraiment une différence, doit se garder de verser dans un révisionnisme trop complaisant de la chose religieuse. Un tel programme, s’il est vraiment conséquent avec l’histoire des religions, se doit, parallèlement aux grands évènements qui jalonnent le devenir des religions, de nommer les nombreuses errances, retracer le topo des dérives, articuler le long sillage de vacheries dont la chose religieuse n’a pas manqué d’être l’occasion.

Autrement il n’est qu’une carricature grotesque sans autre motif que le voeu misérable de flatter les instincts grégaires dans le sens du politically correct.Autrement il devient une religion version Mickey Mouse , si bien aseptisée et formatée pour les bonnes gens, qu’il perd par là même toute la pertinence de ses vélléités. J’ai du mal à  croire  qu’ au pays des accomodements raisonnables, l’école, avec ses hiérarchies respectables, sa police bien pensante, ses gardiens de service, puisse satisfaire à bien cette exigence d’exhaustivité et d’honnêteté, je n’ose dire de vérité. Oui exhaustivité, dis-je! Car une culture religieuse véritable ne saurait se contenter d’une présentation  mécanique  des figures de yahvé, de jésus, de Mahomet,du Boudha et de Krishna. La culture religieuse c’est aussi le sang des hérétiques qui forme la sève même de toutes les religions. Pas de religion sans hérésie.Pour l’écrivain français Ben Jelloun, l’amitié est une religion sans Dieu.

  Le nouveau programme pourra-t-il transmettre le goût des hérésies à ses destinataires? Si la réponse est non alors je dis sans ambages qu’il est inutile pour le XXI e siècle. Le seul esprit de religion dont nos citoyens ont besoin c’est le besoin de subversion et d’autonomie.

Le reportage de Radio Canada est très révélateur de la boîte de Pandore que le ministère vient d’ouvrir   http://www.radio-canada.ca/emissions/second_regard/2008-2009/Reportage.asp?idDoc=80352

Un an après l’entrée en vigueur de ce programme atypique il continue de soulever plusieurs questionnements majeurs. Tout d’abord l’école est-elle le lieu idéal de mettre en oeuvre cet effort organisé d’un dialogue avec les autres religions? .

 Un premier souci du côté de la réception : n’y a-t-il pas risque d’un  relativisme pernicieux par ce nivellement des valeurs dans un jeune esprit non encore muri à ses convictions religieuses personnelles.

  Un second souci quant à la transmission: est-ce raisonnable d’attendre des maîtres qu’ils soient aussi bons à enseigner Allah que l’énergie vitale , l’avènement du royaume des Témoins de Jéhovah que la doctrine du faible reste des juifs? 

  Ensuite qu’en est-il du droit des parents à la liberté de choisir le cours de religion de leurs enfants. La religion, après tout, ce n’est pas les sciences naturelles  ou l’économie familiale .Schleirmacher disait de la religion qu’elle est l’intuition de l’univers. Il y va de convictions ultimes et de l’ameublement fondamental des intuitions les plus personnelles_ sur soi,sur le monde et sur autrui.

 Enfin il faudrait se garder de faire de ce nouveau cours  une tentative de soumission de la tradition judéo-chrétienne à des visions du monde différentes. Depuis trois siècles au moins, le glas est sonné pour le christiannisme en Occident.Il n’est un seul philosophe qui ne  se soit  donné comme amusement de jeunesse d’écraser l’infâme. Souvent à raison,plus souvent encore  à tort, l’inconscient occidental l’associe avec  les guerres les plus sanglantes, les barbaries les moins qualifiables , les injustices les plus inhumaines.

Au Québec, particulièrement, dans sa version catholique,il est synonyme de dupléssisme ,de grande noirceur,d’anti-intellectualisme primaire. Bref, il stigmate tout cet arsenal  tristement  poussiéreux qui a fait dans les années 60 la nécessité de  la révolution tranquille, le handicap national  que les canadiens français durent abattre   pour  entrer dans le concert des démocraties modernes.Nul doute,pensent plusieurs,que dans une telle méfiance généralisée , le christianisme risque d’être le parent pauvre de ce melting pot religieux .Après tout, cette architecture d’intégration des nouveaux dieux dans la salle de classe se fait à l’heure des accomodements raisonnables, des kirpans,des érouv,du voile, des demandes d’exclusion aux cours de natation par de plus en plus de filles,des requêtes aux garderies de servir certains types de viandes. La  place de choix du christianisme dans le patrimoine religieux national aurait dû appeler plus de soin et d’attention de la part des décideurs.Il aurait fallu  une volonté de la protéger de la menace de disparition qui n’en finit de le tarauder.

Les religions nouvelles jouissant déjà d’ une longueur d’avance dans les représentations des médias et sur la place publique, le nouveau programme d’ Éthique et Culture religieuse vient d’institutionnaliser cet avantage, surtout dans le contexte occidental  de déchristianisation de plus en plus marquée.

Mais ça non plus,me direz-vous, c’est pas la faute à Charlemagne!

Bachelard dans l’épistémologie contemporaine

SYNOPSIS

Dans son ouvrage essentiel : Le nouvel esprit scientifique (1934) Gaston Bachelard opère un dépassement du débat empirisme/rationalisme, tout comme Karl Popper, deux auteurs que l’on oppose parfois. Pour Bachelard, le matérialisme rationnel se trouve au centre d’un spectre épistémologique dont les deux extrémités sont constituées par l’idéalisme et le matérialisme.

Dans son œuvre, Bachelard se livre à une critique sévère de l’inductivisme et de l’empirisme. Le fait scientifique est construit à la lumière d’une problématique théorique. La science se construit contre l’évidence, contre les illusions de la connaissance immédiate. C’est en ce sens que Bachelard parle d’une « philosophie du non ». L’accès à la connaissance comme l’histoire des sciences est donc marquée par une « coupure épistémologique », qui opère une séparation avec la pensée pré-scientifique. Produire des connaissances nouvelles, c’est donc franchir des « obstacles épistémologiques »[1], selon l’expression de Bachelard qui parle aussi de rupture épistémologique.

Pour Bachelard, toute connaissance est une connaissance approchée : « Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification historique d’une longue erreur, on pense l’expérience comme rectification de l’illusion commune et première. »

Bachelard plaide pour une épistémologie concordataire. Il considère qu’il faut dépasser l’opposition entre empirisme et rationalisme : « Pas de rationalité à vide, pas d’empirisme décousu ». L’activité scientifique suppose la mise en œuvre d’un « rationalisme appliqué » ou d’un « matérialisme rationnel. »

Ses idées ayant de nombreuses affinités avec celles de Ferdinand Gonseth, il contribua avec celui-ci à la création et rayonnement de la revue Dialectica.

Dans la deuxième partie de son œuvre, Bachelard se consacre à une étude approfondie de l’imaginaire poétique. Dans un texte resté célèbre, le dormeur éveillé, il déclare : « Notre appartenance au monde des images est plus forte, plus constitutive de notre être que notre appartenance au monde des idées ». Il plaide alors pour les douceurs de la rêverie et se laisse aller aux évocations que lui inspire « la flamme d’une chandelle ».

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hegel ou la pensée agissante

LISTE DES ABRÉVIATIONS

TEXTES ALLEMANDS

Enz 1817,
1827 et 1830 Enzyklopädie der philosophischen Wissenschaften,1817,1827 et1830
GPR Grundlinien der Philosophie der Rechts
GW Glauben und Wissen
PHG
Phänomenologie des Geist
VG Vorlesungen über die Philosophie der Weltgeschichte,
1,Die Vernunft in der Geschichte
VPhG Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie
WL Wissenschaft der Logik
 

TRADUCTIONS FRANÇAISES

Diff. Écrit sur la différence des systèmes de Fichte et de Schelling,
Paris, Vrin, 1986
Enc. 1, 2, et 3Encyclopédie des sciences philosophiques, trad. B. Bourgeois,
Paris, Vrin; vol. 1, La Science de la Logique, 1970; vol. 2,
 
Philosophie de la Nature,2004  vol 3, La Philosophie de l’Esprit,
1988.
FS Foi et savoir, trad. A. Philonenko, Paris, Vrin, 1988.
Iena 1 Le Premier Système. La philosophie de l’esprit (1803-1804), trad. M.
Bienenstock, Paris, PUF, 1999.
Iena 2 La Philosophie de l’esprit de la Realphilosophie, trad. G.Planty-
Bonjour,Paris, PUF, 1982.
PhE Phénomnologie de l’Esprit, trad. J. Hippolite, Paris, Aubier, s.d., 2
vol., ;
trad. J.-P. Lefèbvre, Paris, Aubier, 1991; trad. P.-J. Labarrière et G.
Jarczyk, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de Philosophie»,1993,
rééd.«Folio-essais», 2 vol., 2002; trad. B. Bourgeois.,Paris, Vrin,
2006.
PPD Principes de la philosophie du droit, trad.R. Derathé, Paris, Vrin,
1975,1982; trad. J.-Fr. Kervegan, Paris, PUF,1998, 2003.
RH La Raison dans l’Histoire, trad. K. Papaioannou, Paris, UGE, coll. «Le
Monde en 10/18», 1965.

SL 1,2 et 3 Science de la Logique, trad. G.Jarczyk et P.J.Labarrière, Paris,
Aubier; 1,
L’Être, 1972(rééd.Kimé 2006) ; 2, La Docrtrine de l’Essence, 1976;
3,
La Doctrine du Concept, 1981

SYNOPSIS 

              L’être se pense lui-même. Il n’est pas nécessaire de poser en face de l’être un extérieur qui le pense extérieurement. Tout le sens de l’être c’est que c’est un être qui se pense. Rien n’est en soi qui soit hors de la pensée. La pensée de l’être, voilà la pensée de soi de l’être lui-même.

             Tout est pensée. Mais encore faut-il que le tout pense. Autrement dit que la pensée pense elle-même. Comment la pensée se pensera? En s’autodifférenciant de la pensée. Elle le fera par la dialectique. Par son caractère dialectique, la pensée joue à se poser comme différente de la pensée, voir même objet pour la pensée. Quand elle aura parcouru de manière systématique toutes les positions différentes à titre d’objet pour la pensée, on pourra dire qu’elle a atteint l’idéal de scientificité qui est le sien. Et cela alors même que le philosophe n’intervient guère dans les enchaînements successifs. Au contraire celui-ci doit assister comme un spectateur au spectacle de la vérité qui se déploie dans sa nécessité toute scientifique.

            Pas de philosophie scientifique sans un traité scolastique  doublé d’un souci cosmique. La philosophie véritable est toujours sagesse du monde (weltweisheit).Or il n’est pas question de penser sans le monde, la philosophie étant dans le monde, elle devra assurer l’assomption de la vie du monde. Elle sera un <<savoir effectif>>.Non pas un savoir qui poserait en face de lui les accidents et déterminations comme extérieurement, au risque de démentir ses contenus par sa différence d’avec eux, mais l’autodifférentiation  même du réel, le principe qui ordonne chacun de ses époumonnements. D’où le lien privilégié d’une telle philosophie avec le monde réel. C’est l’apogée de la philosophie. Car ici c’est la vie du monde elle-même qui se fait philosophie. Et j’ose croire que le lecteur y trouverait l’espoir du devenir monde de cette philosophie car la question de son actualité est  incontestable.    

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Le Même et l’Autre à l’ère de la mondialisation

Il n’y a pas de dialogue démocratique sans une herméneutique ou une éthique de la discussion. Or une compréhension  mutuelle des peuples est-elle encore possible?

Dans un contexte de globalisation croissante, passer de soi à l’autre devient un acte politique qui requiert à la fois un ancrage du même et une ouverture à l’autre. Comment concilier dès lors ouverture à la diversité et cohésion sociale?

Penser prend ici la forme d’une pédagogie du Même et l’Autre. L’enseignement définitif de la globalisation croissante est à l’effet que notre mode traditionnel de circonscrire le local ou le national est devenu obsolète, que les typologies convenues au moyen desquelles fonctionnaient nos représentations de l’étranger sont devenues dérisoires. Toute délimitation du local  de même que toute identification de  l’étranger porte la marque de l’arbitraire.   Pas de globalisation   sans une politique du métissage.

Métissage qui ne peut, croyons-nous, être trop différent des mécanismes de notre vivre ensemble à l’échelle locale ou nationale. En effet je n’ai aucune appartenance naturelle et originaire avec mes compatriotes. L’acte qui fonde mon origine commune avec mes Co-nationaux est toujours un acte délibéré informé par ma conscience qui me garde dans une possibilité toujours ouverte, qui nourrit l’advenue d’un possible de plus en plus en plus probable, qui entretient un espoir jamais clos, soit celui de pouvoir  faire accueillir leur voix comme étant ma voix là ou je reconnais une pertinence pour moi dans cette voix.

C’est dans cette discrimination intérieure que se loge la virtualité de ma résistance à toute dérive totalitaire du groupe, c’est déjà mon acte de désobéissance civile revendiquée.

L’essence de ma communauté avec le monde global (extra-culturelle) ne sera guère différente de celle (intra-culturelle) que je partage donc avec mes compatriotes.

D’ailleurs l’exemple de la  traduction nous apprend  que lorsqu’un texte philosophique ou littéraire étranger nous résiste souvent une opacité irréductible ,ce n’est souvent ni la langue, ni les particularités de la culture qui nous jouent des tours,  car il arrive que  le texte était   déjà opaque même pour les gens de la culture d’où il émane.

C’est dire que notre culture est composée de plusieurs contre-cultures ou inter-cultures.Et un texte peut être un dialogue, parfois sous le signe du défi, entre ces cultures privées et la culture reconnue officielle. Certains textes posent un tel défi au fondement même du langage que c’est en eux-mêmes que les lecteurs devront puiser les points d’appui pour s’accrocher au sens du texte.

Ainsi donc les mots ne sont pas que des mots, au contraire ils participent de notre habitation dans le monde. D’où la nécessité de cultiver constamment une autonomie du soi et du langage. Comme si le soi devait toujours garder une certaine distance avec ce qui lui paraît trop familier, à commencer par la langue commune. Instituer une relation toujours indirecte, réflexive avec tout ce qui est natif. Peut-être substituer un rapport de révérence, de silence et de patience au rapport conventionnel d’assertion et d’agression du mode de langage actuel.C’est ainsi qu’un processus de traduction est impliqué dans la transformation de soi par le langage.

Toute démocratie commence donc par une politique de l’interprétation et toute politique de l’interprétation commence par cette question : Au nom de quoi ma conscience adhère-t-elle à la clameur nationale au point de considérer ce qu’elle dit comme  pouvant être ma voix à moi .Bref en quoi cette société ou je suis né est encore ma société?

Il faut donc une véritable épistémologie de la conscience comme source de transformation à la fois interne et sociale.

Il faut décréter une transcendance  dans le banal, œuvrer pour une phénoménologie de l’expérience ordinaire, brouiller les cloisons convenues de l’intérieur et de l’extérieur, reconnaître l’externalité du monde comme ce qu’il y a de plus proche au je .Conférer au soi un sens de la distance, prendre acte de sa proximité perpétuelle, qui n’est autre autre chose que la bien connue transcendance du soi.

Voilà pourquoi il nous faut apprendre autant à  laisser qu’a habiter.

D’abord, laisser les choses à elles-mêmes. Se détacher comme dans la Bhaghavad Gita.

Ensuite laisser en arrière. Dans tous les cas il nous faut une humanité non-heideggérienne, i.e. non pas d’habitation et d’occupation, mais de passages, de voyages.

C’est le concept même de maison qu’il nous faut reconstruire. Notre maison doit être non plus l’endroit ou nous sommes ancrés dans le confort paresseux du familier mais le lieu ou nous séjournons dans l’inquiétude constante que nous posent le familier et le banal et le lieu ou nous ne sommes déjà plus, qui est toujours derrière nous.

Il ne faut pas tant partir d’un fondement que de trouver ensemble un fondement.

Il s’agit de transcender la nation à partir même de la nation comme œuvre d’édification d’une nation nouvelle mais encore à venir. Ce n’est rien de moins que faire l’épreuve de la rencontre sous le signe de la confrontation à une autre culture et ceci à l’intérieur même de sa propre culture. Telle est la relation entre les intra-cultures et les extra-cultures.

Traduire le familier en étranger et s’éduquer au plaisir des opacités tenaces car une bonne image ce n’est pas seulement une image claire c’est aussi une image embrouillée   vu que le vivant lui-même est souvent embrouillé.

Un enfant grandit par la famille et le familier, un adulte se transforme par  son exposition à l’étrange.

Par contre cela ne devrait jamais s’équivaloir à un cosmopolitanisme béat.  .  Le local est l’ultime universel. Il ne s’agit pas d’une assimilation inconsciente à l’autre ni d’une cécité à l’étranger chez le natif. Toute connaissabilité de l’immédiat est  illusoire. C’est une interaction de deux différences, au-delà de  soi et à l’intérieur même de soi.

Les implications pour la citoyenneté sont claires :

Les citoyens sont ceux que je reconnais comme mes voisins. Non par un lien immédiat et commun mais par l’isolement. Pas de voisinage réel sans isolement préalable. Si origine commune il y a c’est une origine qui est visée et non acquise, elle est toujours dans une telos et jamais dans une genè.

Je revendique donc une citoyenneté sans inclusion.

La condition nécessaire et suffisante pour qu’une société soit jugée bonne est qu’elle garantit à chaque citoyen une large mesure d’irritabilité(ou de subversibilité).L’éducation doit donc refuser la clôture du politique.

Peut-être un regard pour le lointain et l’étranger dans les limites de la maison nous convaincront d’être des étrangers chez nous. D’ou l’importance de cette éducation à l’altérité.

Oui nous sommes chez nous, mais toujours comme des gens en transition.

Je m’inscris en faux contre le cosmopolitisme et contre l’assimilation. Contre toute folklorisation et réification de la culture. Contre la tendance en dans le programme d’éducation actuelle qui contourne les questions de la nationalité et de l’identité collective en réduisant les grandes questions collectives aux seuls  droits de l’homme, les droits des enfants, ceux des minorités, la liberté d’expression, l’inter culturalisme et la tolérance ou encore le développement durable.

 Je demande que nous trouvions l’immigrant en nous.

Seule notre capacité à nous engager envers notre propre culture, pénétrée et perpétuée par une immigrance continuelle de la pensée peut nous aider à transcender les limites culturelles et les frontières nationales qui sont les nôtres. C’est ce que veut dire le local est l’ultime universel.

Pas de philosophie de l’éducation sans une philosophie qui ne soit déjà une éducation citoyenne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le premier ministre canadien sera absent à la cérémonie d’ouverture aux JO

Il sera là, il sera pas là : Harper s’obstine à demeurer dans l’aléatoire quant à sa présence à la cérémonie d’ouverture aux jeux olympiques de Pékin. La délégation canadienne serait dirigée par son ministre des Affaires étrangères, David Emerson. Bob Rae a beau prévenir  des incidences malheureuses d’une conduite canadienne irritante, le premier ministre ne bronche guère. A quoi joue-t-il au juste ? Qu’est-ce qu’il cherche à prouver ?

 S’il y a un chapeau qui ne sied guère à notre Stéphane national c’est bien celui du trouble fête international. Or les Chinois ne badinent guère avec les règles de l’hospitalité et de la bienséance. Pour se sortir de pétrin, il lui faudra, cette fois,  beaucoup mieux que lors de l’affaire Wade au sommet de la francophonie. C’est garanti que les chinois ne consentiront pas si facilement à oublier cet impair par le seul échange de quelque balbutiement malhabile d’excuses. Bien sûr ses homologues Gordon Brown d’Angleterre et Angela Merkel de l’Allemagne n’y seront pas davantage. À la différence que ces derniers n’ont jamais mis tous leurs œufs dans le seul panier chinois. Ce qui est loin d’être le cas canadien, qui n’a pas de meilleurs alliés commerciaux , après les usa, que la Chine.

 Ce serait d’autant plus gratuit qu’il est une évidence pour tout le monde que la sensibilité d’Harper en matière de droits de l’homme ou d’écologie est pratiquement celle d’un Cro-Magnon. À moins de souffrir aussi d’un déficit aigu de lucidité politique et peut être mental, il ne peut ne pas savoir que son absence à Pékin ne ferait que l’aliéner des alliés indispensables à l’extérieur tout en l’attirant à l’intérieur les foudres de l’opposition.

 Enfin,   ce que la présence d’Harper à Pékin lui enlèverait à son capital politique est un nul absolu.

Grandeurs et Misères du système de santé canadien

 

Comme les rapports récents du Comité sénatorial Kirby et de la Commission Romanowl’indiquent, le système de santé canadien est en crise. Toutefois, le Cana da n’est pas le seul pays à être aux prises avec ce problème. Tous les systèmes de santé du monde sont en crise. Les mêmes forces et les mêmes enjeux qui ont déclenché cette crise au Canada sont aussi présents ailleurs. En Europe, on craint que les dépenses en matière de santé ne grimpent follement, même dans les pays où les coûts liés à la santé n’ont pas beaucoupentamé le produit national brut. La plupart des pays européens dotés d’un système de

santé à deux vitesses ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande voient les composantes publiques de leur système se détériorer et sont témoins de la croissance des coûts del’assurance-maladie privée. Les États-Unis, ce bastion de la libre concurrence, éprouvent plus de difficultés que la plupart des autres pays. Chez nos voisins, la faute est mise sur le dos des soins gérés, mais les difficultés sont les mêmes. Bien que les forces sociales et économiques internationales exercent une influence, chaque pays réagit à sa manière. En tant que  Canadiens, quelle sera donc la voie que nous choisirons?

La crise actuelle de notre système de santé n’est pas uniquement une question d’argent oud’inefficacité. Elle est le symptôme de valeurs floues en ce qui a trait à notre définition du concept de santé et de soins, à l’importance que nous donnons à la santé dans notre société, et au rôle des gouvernements dans ce créneau. Les enjeux qui entrent dans l’élaboration d’objectifs ne portent pas uniquement sur la création de nouvelles options permettant d’obtenir plus d’argent pour les soins de santé. Nos valeurs de base doivent s’appuyer sur des questions fondamentales – quelle est notre perception de la relation entre la santé et le bien-être de la population, du concept de santé et du principe d’équité?

En fait, ce qui importe dans ce dossier, c’est la construction d’une société fondée sur la justice et l’empathie, non seulement pour les populations actuelles, mais aussi pour les générations à venir.

Les problèmes qui ont déclenché les crises au sein du système de santé moderne ne peuvent être résolus simplement à coup d’argent. Nos décisions en matière de politiques sont des décision morales, où il est question de justice, d’empathie et de comportements de société responsables. D’une certaine manière, ces questions sont liées à l’inquiétant phénomène de la médicalisation de nos vies, à la commercialisation des soins et à la préséance du marché sur les priorités en matière de santé.

Notre façon de définir la question détermine en grande partie comment nous allons réagir. Si le système de santé est en crise, de quelle sorte de crise s’agit-il? Selon nous, la crise du système de santé est une question d’allocation de ressources. Une fois la problématique présentée en ces termes, les enjeux sont définis comme des questions de financement. C’est une litanie que nous connaissons malheureusement trop bien : les coûts des soins de santé excèdent les moyens des provinces; les attentes pour accéder à la

technologie sont beaucoup trop longues; les nouveaux médicaments coûteux ne sont pas offerts à tous ceux qui en ont besoin; et il n’y a pas suffisamment de lits dans les hôpitaux pour répondre à la demande. Cette façon de penser fait que les politiques deviennent un grand jeu d’allocation, avec ses gagnants et ses perdants. En raison de l’omniprésence de la technologie et des bénéfices presque illimités qu’offre la médecine, une telle définition de la question mène naturellement à des options dont le but sera d’augmenter les sommes allouées pour ces ressources par le biais d’un financement privé.

Nous devons réfléchir à des questions plus profondes : quels sont les buts du système de santé? Ces buts sont-ils de dispenser des soins illimités à tous les citoyens et à toutes les citoyennes? Quelle sorte de produit constituent les soins de santé? Ces soins sont-ils une marchandise qui peut être achetée par ceux qui en ont les moyens ou, d’une certaine manière, sont-ils le symbole de la communauté même? La viabilité de tout système de santé, dans le sens propre du terme, est-elle la garantie d’un engagement envers la communauté? Si oui, comment pouvons-nous mesurer cet engagement? Quelle langue sera en usage? Quels espaces publics mettrons-nous sur pied et entretiendrons-nous? Comment composons-nous avec les différences de valeurs profondes et souvent irréconciliables qu’un débat public sur le système de santé peut soulever? Quel type de justice ou de société recherchons-nous? La commercialisation de la santé et des soins est-elle si avancée sur la scène internationale que le débat public que nous espérions mener sur ces questions n’est qu’un rêve idéaliste et nostalgique, peut-être même romantique? Les valeurs du marché ont-elles supplanté celles de la justice et de l’empathie?

La crise du système de santé canadien ne porte pas uniquement sur l’allocation des ressources. Elle porte aussi sur l’avenir des soins en tant que bien commun et sur des décisions prises par des citoyennes et des citoyens à l’échelle mondiale, fondées sur la justice et la compassion. Il faut développer de nouvelles perspectives et de nouvelles façons de procéder pour permettre aux citoyennes et aux citoyens de clarifier ensemble les valeurs qui sous-tendront les choix de société.