Le nouveau discours de la santé aura réussi à instituer le corps sain comme un idéal universellement valable et une exigence lourdement normative, imposant ses prescriptions idéologiques autant a l’individu qu’aux sociétés modernes. L’obtention de la santé et son maintien ne sont plus seulement un état possible ou envisageable des virtualités corporelles, au contraire, nous sommes nés à présent avec le devoir de nous garder en santé et de tenir en échec toutes les menaces de précarité dont notre corps et notre esprit pourraient devenir le malheureux objet. Ce devoir de santé se traduit chez le malade par une culpabilité intime et accusatrice de l’intérieur qui ne cessera de troubler sa conscience quant à la nature et à l’étendue de la faute qu’il aura eu commise et dans la négligence de laquelle le mal, la maladie, a pu s’immiscer en sa personne. La fascination moderne des corps harmonieux, beaux, bref, en santé, nous aura conduit à ce moment décisif de l’histoire universelle ou tout dérèglement du vivant, tout écart aux standards des dispositifs médicaux prend aussitôt la forme d’un aveu de faute, d’égarement ou d’inconduite dans le gouvernement privé des pratiques corporelles.
La santé distribue alors, par le biais de son système, ses permis d’excellence aux bons consommateurs et ses lettres de blâme aux mauvais. Les fumeurs, les alcooliques, les motocyclistes sans casque, les amoureux non protégés, les obèses de naissance, ceux qui le sont devenus, les habitués des comptoirs de la malbouffe, ceux qui boudent les centres de conditionnellement …le catalogue des présumés coupables de lèse-santé est à la fois varié et nombreux. Ils sont tous coupables, par avance, d’atteinte au souci de soi, de déficit d’égo sain. Si la nouvelle catéchèse sanitaire est d’une telle efficace c’est qu’elle nourrit un corollaire qui la sous-tend essentiellement, à savoir la croyance implicite ou explicite suivante : nous avons aujourd’hui ,grâce aux connaissances nutritionnelles ou en éducation physique couplées à l’état du savoir en matières d’assuétudes, nous avons, donc, toujours le choix, présume-t-elle, de pouvoir mener une vie considérée saine selon les paramètres de la nouvelle éthique de la santé. C’est dans ce prométhéisme des moyens que le nouveau discours des coprs va puiser l’audace de s’autoriser toutes les exclusions et de décréter toutes les condamnations . Car la nouvelle catéchèse croit que, contrairement à nos grands-parents pour lesquels, par exemple, une bonne santé avait toujours été le fruit de la bonne fortune, de la providence, bref, du hasard, nous savons, nous aujourd’hui, ou encore nous devrions savoir, que celle-ci ne saurait être une grâce, qu’une éthique du corps sain est disponible à tous, et qu’il suffit de l’appliquer pour garder le médecin à distance.
Entre l’avoir et l’être
La santé est saisie par la langue grâce à un dispositif relevant à la fois d’une logique de l’avoir (avoir la santé) et d’une logistique profondément ontologique (être en santé) . On dit être en santé ou être en bonne santé, référant par là à un état, une manière d’être, impliquant un positionnement intime du corps, une orientation touchant presqu’à son essence; mais on dit aussi avoir la santé ou avoir une bonne santé, rappelant ainsi que la santé est toujours quelque chose d’extérieur au corps en tant que tel, que ce dernier, autrement dit, ne saurait prendre pour acquis, on a la santé ou on a une bonne santé, de la même manière qu’on a une maison ou un jardin, c’est-à-dire dans un rapport de possession avec une entité décrétée extérieure à nous, laquelle obéit à ses propres règles de fonctionnement et se soumettant à ses impératifs spécifiques. Donc déjà dans la langue, la santé obéit à deux logiques qui ne sont pas toujours convergentes dans la vie : Elle est un état, une humeur, un tempérament relevant ainsi d’une psychologie de la vie intérieure la plus riche; mais elle constitue aussi un avoir, un acte, une conduite au travers de laquelle elle se montre comme une conquête, une sortie de soi, une extériorisation, une poussée vers autre que soi. Mais l’on voit les tensions qui peuvent survenir selon que l’on fait référence au premier ou au second. Il est évident par exemple, que quelque soit l’excellence d’une expertise qui a pu juger d’un individu qu’il est en bonne santé, la bonne santé de ce dernier ne puisse jamais jouir de ce caractère irrévocable au point de lui appartenir sans conditions de sa part. Si, selon la la logique de l’être, la santé est un effet clos, acquis et dernier, et dont il n’y a rien d’autre à dire sinon que cet homme ou cette femme est en santé, dans les dispositifs de l’avoir, la santé n’est qu’un bien et en tant que tel, s’ouvre à la fragilité de la sphère économique. Avoir la santé ouvre alors à des questionnements du genre d’ou nous vient notre santé, comment nous maintenons-nous en santé,que pouvons-nous faire pour assurer cet avoir. Ce n’est pas le moindre paradoxe tragique des corps que la chose qui devrait constituer la substance même de leur être le plus intime, son but essentiel, se trouve en même temps appartenir à une sphère qui leur est totalement extérieure, et sur laquelle ils n’ont somme toute aucune influence. Jouir de l’état d’un vivant sain renvoie ipso facto à l’inscription de ce dernier dans une logique presqu’économique ou le corps sain qu’il est se transforme aussitôt en l’avoir d’un corps cristallisé par des conduites relevant d’un schéma marchand à travers lequel il est déjà annoncé que les comportements et la culture de ce corps emprunteront leurs déterminations ultimes aux nécessités de l’offre et de la demande, par une allocation des ressources jugées nécessaires et suffisantes pour leur état, même si il formule en tant que corps des besoins de plus en plus illimités. Avoir la santé pose inexorablement la question de la rareté des dispositifs et ressources capables de produire un corps sain. C’est pleinement posé, le difficile problème qui résume l’essence même de l’économie, soit quand, à qui allouer des ressources, par définition rares, vu le caractère illimité des besoins. En matières de santé, la question n’aura jamais autant fait problème. Il aura fallu l’avènement de la santé publique, et dans le sillage de ce dernier, la démocratisation de l’accès aux systèmes de santé modernes pour que ce problème apparaisse dans toute l’étendue de ses apories. En effet, dans une société inégalitaire-(princes-vasseaux; nobles-bourgeois) la santé reste le privilège et le souci des plus nantis. Les autres classes sont trop affairées aux labeurs pour se soucier d’eux-mêmes. Leurs moindres signes de maladie sont condamnés par le système comme un outrage de fainéantise fait aux valeurs cardinales du travail. Les productions étant restreintes, les échanges plutôt limités, les sociétés précapitalistes ignorent totalement le dogme de la santé universelle. Pas forcément par méchanceté ou sadisme; bien plutôt par la nécessaire tyrannie du travail résultant des possibilités limités du commerce, du caractère artisanal de la production, et donc de leur faible taux de productivité si on les compare aux nôtres . Mais avec, la Révolution industrielle, reprenant les acquis de la Révolution française, tous sont décrétés égaux, y compris devant la santé. Le dogme de la santé universelle est né. Seulement, si dans les consciences, le passage est fait quant à la nécessité idéale de traiter tous les citoyens sous un pied égalitaire quant à leur santé, l’application de cette nécessité va se heurter comme un roc à la question épineuse de la rareté des ressources, laquelle rareté prendra de plus en plus un virage hautement alarmant face à la montée des courbes de vieillissement démographique mondial. Par une leçon d’humilité des plus magistrales, les apôtres de l’être en santé allaient découvrir qu’ici comme ailleurs, l’être est souvent la signature prestigieuse de l’avoir. On ne peut être en santé si l’état dont nous sommes les citoyens nous prive des moyens d’avoir la santé.
L’hôpital, son personnel médical, paramédical ainsi que les autres membres du système de santé qui y sont attachés, jouera un rôle de plus en plus prépondérant dans cette affaire. On peut dire que l’hôpital est devenu le temple depuis l’autel duquel la santé dit sa parole et ce n’est guère un détail illustratif que ce soit précisément dans ses enceintes que naissent et meurent presque tous les humains . Loin de se suffire de ce privilège de premier berceau et de premier tombeau, il est ce passage obligé dans la fréquentation de laquelle nos vies seront pleinement ponctuées de ses tristes références et de ses lugubres décrets. Il est toujours là pour nous rappeler que ce corps, que nous présumons si souverainement nôtre, viendra, un jour ou l’autre, à tomber sous le couperet de sa confiscation décisive ou partielle, que dans l’ombre de ses remparts gris de mille deuils, sommeillent, pour notre intention, des bataillons de sorciers-guérisseurs qui n’attendent que la bonne occasion pour venir s’adonner sans scrupule aucune, à leur joie de pornographes du vivant. Ils déchireront notre corps, le raccommoderont, l’amputeront d’entités qui nous étaient familières, y grefferont des entités mystérieuses, ils y fouilleront comme dans une vilaine grotte, y désaccorderont des gémellités originelles, ils y travailleront avec tant d’acharnement qu’ils nous donnent déjà leur garantie que lorsqu’ils auront fini la seule conviction qu’Il nous restera sera celle que ce corps que nous croyions nôtre ne nous avait appatenu que très relativement et que nous étions dans l’ignorance totale des lois et des causes de cet évènement si proche, et pourtant si totalement lointain.
Le corps est d’abord connu comme précaire. Listériose, grippe A (h1n1) ,Influenza, allergies au pollène, cancer du sein, autant de pièges qui le guettent et exposent sa vulnérabilité essentielle.(article encore en rédaction)…
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